Les droits des femmes subissent des remises en cause récurrentes. Elle provient cette fois-ci du Collectif Handicaps et Sexualités, crée en 2008. Ce Collectif, qui regroupe notamment l’Association française contre les myopathies, l’Association des paralysés de France et l’Association Handicap international, réclame entre autres des « prestations sexuelles» assurées par des personnes, rémunérées, au profit de nos concitoyens lourdement handicapées.
Or c’est exactement la définition de la prostitution, quelle que soit la «noblesse » du but dont on pare ce prétendu nouveau métier, pas aussi nouveau que cela, et de l’innocent intitulé, « aidant sexuel », qu’on lui attribue.
D’ailleurs, les rares pays au monde où les « aidants sexuels » existent légalement, Pays-Bas, Danemark, Belgique, Suisse et Allemagne, considèrent eux-mêmes cette activité comme une prostitution spécialisée. Ces pays sont également connus pour leur législation trop laxiste envers la prostitution.
Seulement, la France est un pays abolitionniste pour ce qui est de cette pratique dégradante. C’est pourquoi, il faudrait, selon ce Collectif, dépénaliser l’activité des « aidants sexuels », en l’excluant de la catégorie de client prostituteur, qui est à la dois stigmatisante, et bientôt punie par la loi. C’est d’ailleurs ce à quoi s’attèle le député, Jean-François Chossy, rapporteur de la loi de 2005 sur le handicap. Il s’appuie pour cela sur aussi bien la revendication de ce collectif que sur le rapport de Marcel Nuss de 2006, qui préconise la création par l’Etat de ce « nouveau métier ». Ses employés, qui seront formés à cet effet, seraient selon lui à recruter idéalement parmi le personnel paramédical. C’est rien moins que transformer l’Etat français en proxénète.
S’il est important et nécessaire selon la totalité ou la quasi-totalité des organisations féministes françaises, de trouver des solutions aux souffrances sexuelles et affectives des personnes lourdement handicapées, cette solution ne doit en aucun cas résider dans la marchandisation du corps humain, homme ou femme, tel que préconisée par ce Collectif et ces députés. Peut-on également espérer soulager la souffrance des uns en infligeant une souffrance à d’autres ? La prostitution, et ce type de « prestation sexuelle » en est une, constitue l’une des violences les plus graves faites aux femmes.
Ceci d’autant plus, que cette fausse solution contredit l’évolution du droit international, ratifié par la France, appelant les Etats à interdire ce fléau. Déjà, la Convention de 1949 de l’Organisation des Nations unies indique que la prostitution et la traite des êtres humains sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine.
Cette évolution invite aussi avec insistance, les Etats à pénaliser le client prostituteur. Le Protocole de Palerme constitue une grande avancée dans cette perspective. Ce dernier met en exergue, ce qui est l’évidence-même, à savoir que la « demande » de prostitution de la part du client encourage l’ « offre » de prostitution, ainsi que la prolifération de réseaux maffieux de prostitution et l’industrie pornographique, qui trouvent là un marché immense et fort lucratif dans l’exploitation du corps des femmes.
Hélas ! Les féministes savent d’expérience que, encore une fois, ces « nouveaux métiers » se feront principalement au détriment des femmes. Dans les pays ayant légalisé cette « prestation sexuelle», 90% de ces besoins sont ceux des hommes, et autant « satisfaites » par des femmes.
De plus, la légalisation de ce type d’activité risque grandement d’ouvrir la boite de Pandore. Au nom de quoi, demain refuserait-on ce type de « prestation » aux prisonniers condamnés à de longues peines de réclusion ? aux personnes atteintes de maladies chroniques? Aux célibataires trop inhibés pour susciter des rencontres ? …. Si tant est que ce type de relations sexuelles puisse satisfaire la majorité des personnes qui fera appel à eux ?
On court également le risque que parmi les « aidants sexuels » figurent des êtres pervers pouvant exercer des violences envers ces personnes particulièrement vulnérables, en grande partie des femmes. Car ne nous faisons pas d’illusion : le recrutement d’ « aidants sexuels » rencontrera une très grande réticence de la part du personnel paramédical, en particulier féminin, en dépit de la pression du chômage endémique. Cette demande ne sera satisfaite que par le recrutement de prostituées et de peu d’hommes, parmi ceux qui sont fragilisés socialement ou qui y trouvent un moyen fort commode de gagner sa vie.
Enfin, faire appel à des « aidants sexuels » ne fera que renforcer la ghettoïsation des personnes handicapées, alors que la solution serait dans la mise en place d’infrastructures et de moyens financiers et humains aidant les intéressés à mener une vie sociale la plus riche possible, à s’ouvrir sur les lieux de loisir et de cultures… en vue de favoriser des rencontres.
Sources :
- Contribution de l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir au débat sur la question des « Aidants sexuels », le 25 avril 2011. Cette association partage cette contribution avec le Mouvement NID, qui lutte contre la prostitution.
- Réponse au manifeste « Tous solidaires avec les personnes handicapées » publié dans le site de l’Express. Cette réponse a été rédigée et signée- par Claudine Legardinier, journaliste, Malka Marcovich, historienne, Annie Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes, Sabine Salmon, présidente de l’association, Femmes solidaires, et signé également par plusieurss organisations féministes.
Clara Magazine, n° 124 du 10 mars 2011
- Aidants sexuels : entre droits et dignité, de Gwendoline Lefebvre.
- Le point de vue de Maudy Piot, auteure du livre, Violences envers les femmes, le non des femmes handicapées, éd. L’Harmattan, propos recueillis par Gwendoline Lefebvre.
- Interview de Maudy Piot, par Sabine Salmon.
- La victoire du protocole de Palerme. Apogée de la guerre des mots (7e partie), par Malka Marcovich.