Depuis quelques années, le mouvement féministe a connu un renouveau spectaculaire, de nombreuses associations ont vu le jour. On connaissait OLF, la Barbe, Encore féministes, peut-être moins les Tumultueuses, les Désobéissantes, les Dégommeuses, j’en passe et des meilleures. Après les exotiques et courageuses Femen qui ont spectaculairement fait parler d’elles – ouf, voilà un sujet sexy pour la presse en manque de sensations – une nouvelle association vient de voir le jour : les efFRONTé-e-s. Cette association mixte – j’en connais qui vont se réjouir et qui n’auront plus d’excuses pour mettre en pratique leurs idées féministes ! – propose un programme riche en idées et en actions, qui sera bienvenu dans le paysage féministe français déjà largement varié. Cofondée par Fatima-Ezzahra Benomar, ancienne militante du Front de gaauche, c’est une association indépendante, même si ces jeunes militants enthousiastes reconnaissent l’expertise dont ils ont bénéficié au sein de l’organisation. Solidaires et infatigables, certains efFRONTé-e-s participent à la campagne Zeromacho, tandis que d’autres participent aux actions de La Barbe : ils font front, sur tous les fronts. Le mouvement féministe, combien de divisions ? ça les fait rigoler : « ces temps-là sont révolus» !
Elles/Ils s’attaquent en priorité aux problèmes des retraites et des inégalités de salaires entre les hommes et femmes, tout en proposant des actions pédagogiques et ludiques. L’agit‘prop est leur credo, l’art et l’humour également. Ils proposent des paroles ambulantes en se promenant avec des pancartes dans la rue avec un seul mot écrit, que les passants complètent, ou encore improvisent des Topos citoyens, sous forme d’exposés didactiques de sensibilisation.
Elles/Ils sont en cours de tournage d’un documentaire sur le féministe, composés d’interviews des grandes figures actuelles du mouvement des femmes, tout en rendant hommage au côté artistique de la création féministe depuis le début du siècle (affiches, flyers et slogans).
Inutile de préciser que les efFRONTé-e-s ont l’ambition de devenir un véritable réseau d‘action populaire féministe : espérons qu’ils vont attirer, grâce à leur énergie et leur faconde de bon aloi, de nombreux militant-e-s : bref, aucune excuse pour ne pas devenir de plus en plus efFRONTé-e-s, sans modération !
Portrait et propos recueillis
Fatima-Ezzahra Benomar, 28 ans, de nationalité marocaine, ne manque ni de détermination, ni de charisme, ni de culture. Issue d’une famille de sensibilité humaniste et artistique, elle arrive en France à 18 ans pour intégrer une école de cinéma. Espérant obtenir le statut d’intermittente du spectacle dont elle ne peut finalement pas bénéficier puisqu’elle n’est pas française, elle connaît la galère des étrangers en France, la difficulté de bosser, l’argent qui rentre au compte-goutte. Qu’à cela ne tienne, la belle rebelle est déterminée. Elle s’intéresse en 2005 à la problématique du Traité constitutionnel, s’engage à Jussieu en 2006 contre le CPE, se syndique à l’UNEF, puis s’inscrit au PS, où elle suit la campane de Ségolène Royal. Cofondatrice d’Osez le Féminisme avec Caroline de Haas en 2009, où elle se forge une solide culture féministe, elle est responsable des questions sur l’égalité professionnelle. En 2010, déçue par le PS, elle devient militante au FDG, au moment de la réforme de retraites. Elle y devient responsable des questions féministes. Elle quitte OLF en 2011 et en juin 2012 décide avec quelques camarades de créer les efFRONTé-e-s ; à l’origine, ils sont une dizaine de militants puis l’association s’élargit rapidement.
« Nous sommes complètement indépendants du FDG mais la culture du Front m’a beaucoup apporté, en réflexion, en rigueur, en efficacité », souligne Fatima.
« Mon cheval de bataille est de parvenir à créer véritablement un front contre l’austérité par le biais féministe car ce sont les femmes le plus concernées », explique t- elle. « Quand je pense que les femmes ont fait un des plus gros cadeaux qui soit à l’humanité en doublant le nombre de votants grâce aux luttes des suffragettes pour le droit de vote… justice ne leur est guère rendue ! 80 % des travailleurs pauvres sont des femmes.
De tous temps les femmes sont descendues dans la rue, mais elles ont ensuite été chaque fois mises à l’écart, regardez le siècle de Lumières, les révolutions arabes… Il faut réhabiliter le féminisme, faire en sorte que ce ne soit plus un « gros mot » ou un mot désuet, renvoyant à un concept négatif ou caricatural. Le Ministère des droits des femmes c’est un progrès, mais c’est un ministère d’affichage, tant de travail reste à accomplir… »
« Pour beaucoup d’humanistes, la croyance est que le patriarcat est né avec le capitalisme, alors qu’il est bien antérieur. Très tôt, il a imposé deux catégories : les hommes et les femmes pour les raisons que l’on connaît par cœur ; le racisme a pris modèle sur cette différenciation, donc si on combat le sexisme, on combat le racisme. C’est dans les périodes le plus révolutionnaires qu’on a le plus réfléchi à la question de la République. Nous voulons juste devenir des citoyennes à part entière. Ça devrait être une priorité, mais beaucoup ont encore l’air d’oublier que les femmes représentent plus de 51 % de l’humanité ».
Contact : leseffrontees@gmail.com – http://effrontees.wordpress.com
Annexe – Extrait de la newsletter n° 1 : Les femmes voient-elles la vie en rose ?
Le Socialisme est au pouvoir ! Il loge à Élysée, a repeint l’Assemblée Nationale et trône majoritairement au Sénat. Si on fait le bilan des premiers mois, on ne peut ignorer quelques initiatives faites en faveur des droits des femmes :
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Le premier gouvernement Ayrault est paritaire, à défaut d’octroyer aux femmes une part importante de cabinets ministériels ;
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le Smic a légèrement augmenté ;
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un projet de loi contre le harcèlement sexuel, bien que jugé insatisfaisant par l’AVFT (Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail), vient combler l’abominable vide juridique qu’a laissé l’abrogation de l’ancien texte.
Toutes ces mesures – en particulier la mini-hausse du Smic – ne représentent qu’une goutte d’eau comparées à la misère dont souffrent les femmes qui constituent plus de la moitié des chômeurs, le gros du bataillon des travailleur-se-s pauvres et qui sont deux fois plus souvent au Smic que les hommes.
Pour ce qui est de la réforme des retraites, on ne peut que déplorer la timidité de la proposition socialiste ! L’extension du droit à la retraite à 60 ans aux seules personnes ayant commencé à travailler à 18 ans, et la prise en compte pour le calcul des annuités de seulement deux semestres pour les chômeurs et les mères de famille de plus de trois enfants, sont insuffisantes pour conjurer la discrimination sexiste que provoque les réformes libérales dont la retraite à 60 ans a subi les assauts.
A côté de ces demi-mesures qui veulent à la fois amadouer le peuple et rassurer les marchés financiers, les seconds accaparent les choux et le premier reste chèvre !
A la question : « Peut-on espérer de la majorité (absolue) du gouvernement socialiste de faire reculer le chômage, de s’attaquer aux racines de la pauvreté, de créer les 500 000 places en crèches réclamées par les associations féministes ou de développer les services publics sans bousculer son ambition de réduire le déficit budgétaire à 3 % en 2013 ? », la réponse est NON !
Il est impossible de garantir une réforme des retraites égalitaire, un service public de la petite enfance performant, une « loi contre les violences faites aux femmes » efficiente et la réouverture des centres d’IVG, tout ou serrant ses petits doigts sous la baguette autoritaire du MES (Mécanisme Européen de Stabilité) !
Il faut que le gouvernement s’affranchisse des chaînes de la rigueur pour assurer une vraie politique de relance, à moins de préparer annuellement l’Etat à saupoudrer ses cils des larmes de crocodiles à chaque « 8 mars » (journée internationale des droits des femmes) pour déplorer le sort des victimes de la précarité, des inégalités et des crimes sexistes.
Pas de cohabitation possible entre progrès et rigueur ! Toute Règle d’or touchant à l’équilibre budgétaire est incompatible avec nos revendications fondamentales :
- Développement des services publics qui nous protègent,
- Interdiction du temps partiel imposé très favorisé par les politiques libérales,
- SMIC à 1 700 euros nets,
- Remboursement complet des IVG et de la contraception,
- Développement d’une réelle politique d’abolition de la prostitution et de réinsertion des personnes prostituées.
Ces dernières années, les femmes sont montées au front des luttes sociales, même quand ces luttes ont été longues, harassantes et précarisantes : à l’hôpital Tenon pour exiger la réouverture du centre IVG ; à Sodimédical pour réclamer leurs salaires ; chez Lejaby ou aux Trois Suisses pour protester contre leurs licenciements ; et bien entendu tout au long du mouvement des retraites de 2010 en y organisant un point fixe féministe unitaire. Tout ça pour dire…