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Les enjeux de l’enseignement professionnel en France

Alors qu’un lycéen sur trois est aujourd’hui scolarisé dans l’enseignement professionnel et qu’environ 30 % des bacs délivrés sont des bacs professionnels, cette voie de formation est la plus mal connue du système scolaire français. Un détour par son histoire nous permettra de comprendre en quoi la volonté du tout-apprentissage s’avère dangereuse, danger renforcé par la réforme actuelle du collège.

1- Qu’est ce que l’enseignement professionnel ?

Au moyen-âge, la formation professionnelle est entièrement dévolue aux corporations de métiers.A partir de la Renaissance, l’évolution des pratiques commerciales amène de grandes maisons (les Frügger en Allemagne, les Médicis en Italie) à fonder des écoles pour l’apprentissage de la comptabilité commerciale. Ce sont donc les temps modernes qui inventent l’enseignement technique et professionnel à la faveur du passage progressif de sociétés artisanales à des sociétés manufacturières puis industrielles. Mais ces écoles adaptées sont peu nombreuses. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour qu’il se développe et le XXe pour qu’il s’institutionnalise.
Les finalités inhérentes à l’enseignement professionnel sont les mêmes que celles de l’enseignement général et technologique : « Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté » (Article L. 111-1 du code de l’éducation).
La voie professionnelle n’est donc en rien cantonnée à la formation d’exécutants malgré les préconisation de l’OCDE et la volonté du patronat.Historiquement, c’est depuis 1976, avec le remplacement des CET par les LEP, que « >l’enseignement professionnel devient une filière distincte au sein de second cycle, avec un fonctionnement spécifique.

2- Une lutte de plus d’un siècle pour la mainmise sur l’enseignement professionnel.

Dans le contexte des lois Ferry (1881-1882), l’enseignement technique se développe dans une ambiance de polémique entre les ministères de l’instruction public et du commerce et de l’industrie. L’intégration dans le service public est difficile. Qui doit organiser l’enseignement professionnel: les entreprises ou l’État?L’année1900 voit ainsi le rattachement de toutes les écoles pratiques au ministère du commerce et de l’industrie.Toutefois, en1920, Millerand créé un sous-secrétariat d’État à l’enseignement technique rattaché au ministère de l’instruction publique. Puis, en 1942-1943, la délivrance des diplômes techniques devient monopole d’État. En réaction, la FEN et le MEN introduisent des séquences de formations obligatoires en entreprise pour l’obtention du CAP et du BEP (10 semaines).

3- Privatiser l’enseignement professionnel ?

Malgré son intégration progressive dans le service public d’éducation, il existe toujours une pression pour sortir l’enseignement professionnel de l’éducation nationale à travers l’objectif partagé par le PS et LR d’orienter un million d’élèves vers l’apprentissage. Il s’agit bien de privatiser une partie la formation professionnelle conformément aux dogmes néo-libéraux :

Pourtant, le taux de réussite aux examens est presque identique en LP et en alternance. Mais 30 % des apprentis abandonnent en cours de formation. Donc le taux d’échec y est supérieur. De plus, le taux de poursuite d’études est inférieur. Ainsi, seuls 36 % des CAP poursuivent en Bac pro, et 12 % poursuivent des études supérieures après une formation en apprentissage.Statistiquement, donc, l’apprentissage n’est pas un ascenseur social supérieur au LP.
Ensuite, se pose le problème du Bac pro 3 ans. L’amputation d’une année de formation est très problématique. L’introduction du Bac pro en 1985 était lié à la massification. Aujourd’hui, on veut former moins et faire réussir davantage. Curieuse équation.
Enfin, il est à craindre que l’actuelle réforme du collège n’impacte encore plus des publics fragiles scolairement, issus de milieux sociaux où la culture générale s’acquiert principalement à l’école. En diminuer les horaires pour y substituer des activités moins exigeantes condamne encore plus les lycéens professionnels à l’échec dans le supérieur, donc à une reproduction accrue des inégalités.

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