L’article « Antivax, anti-pass : la mobilisation qui court l’été comme un canard sans tête » signé Philippe Hervé, a valu à ReSPUBLICA une poignée de courriers de lecteurs, souvent critiques, dont nous avons analysé les affirmations et arguments pour les regrouper et pouvoir y répondre de façon synthétique. Il s’agissait d’abord de situer chez nos lecteurs ce qui relevait de l’hostilité aux vaccins contre le Covid-19 et de l’hostilité au pass sanitaire, en réaffirmant que pour nous on ne peut amalgamer le refus de l’un et le refus de l’autre.
Appuyée sur des avis recueillis auprès d’un réseau de médecins et scientifiques, nous vous livrons nos analyses (sur les principaux points soulignés par les lecteurs) en deux volets. Bien sûr, il s’agit de sujets qui touchent à l’intime et suscitent des affects forts, nous visons à y répondre de façon dépassionnée.
Nature des mobilisations, leur dimension politique
Il est reproché à l’auteur de l’article de présenter le peuple comme incohérent, « jouet de l’extrême droite » ; les manifestations comme composées d’« Antivax fanatiques, complotistes, militants fascistes, gilets jaunes perdus en panne de manifestation, catholiques intégristes de Civitas, antisémites de tout poil »…
Le parallèle avec le mouvement des gilets jaunes a des limites : ce dernier a connu des « coordinations », des milliers de réunions ont produit des revendications, tel le référendum d’initiative citoyenne, alors que le mouvement Antivax, anti-pass ne produit rien, aucune proposition, juste des manifestations. C’est faute de revendications communes qu’il est « incohérent ». Et Ph. Hervé mentionnait bien dans la foule la présence de « gens sincèrement outrés par la gestion catastrophique de la pandémie ». Roland Gori, dans un article de l’Humanité résume bien « un mouvement bariolé, créolisé, multiple qui crie sa haine et sa hargne, des gilets jaunes aux anti-passe en passant par les antivax ou plus simplement tous ceux qui pourraient reprendre la phrase naguère prononcée par Martine Aubry : ‘’ Macron, ras le bol !’’ La cause est entendue, ce sera la trace d’un style que l’histoire retiendra : le pouvoir macronien s’exerce dans la solitude extrême de celui qui, conquérant habilement le pouvoir, peine à le conserver, voire à l’exercer pleinement et légitimement. »
Ajoutons que pas plus pour le mouvement actuel que pour celui des gilets jaunes, on ne peut dire que les fascistes l’ont « accaparé ». Présents lors des incidents de décembre 2018 à Paris, ils furent progressivement expulsés des cortèges au premier trimestre 2019, ce qui donna lieu à des incidents très violents à Paris, Lyon, Marseille et Toulouse en particulier. Dans la période récente, les « Patriotes » de Florian Philippot organisent des manifestations qui regroupent beaucoup de monde, des familles et des gens se disant apolitiques. Pourtant ce sont des manifestations d’extrême droite, même si certains participants n’ont pas conscience de la manipulation. Par ailleurs, dans les villes moyennes en particulier, les panneaux antisémites avec le célèbre « QUI ? » ont été sous-estimés volontairement par les médias.
Arguments scientifiques et médicaux
- Face à un ennemi difficile à cerner, nous dit un lecteur, la société s’angoisse et la responsabilité de nos dirigeants est d’éviter les grandes paniques et les désastres économiques. Le gouvernement n’a pas eu d’autre choix que le mensonge d’État. Quel mensonge ? Il y en a eu pléthore, c’est sûr : masques, déni de la gravité de l’épidémie au début… mais concernant la réalité des cas et de l’intérêt du vaccin, il suffit de regarder la proportion des patients non vaccinés en réanimation cet été (85 %) pour se rendre compte que les personnes vaccinées étaient relativement bien protégées par le vaccin contrairement à celles non vaccinées. Ce n’est pas un mensonge d’État, c’est un fait tangible.
- Plusieurs lecteurs évoquent l’attente d’un « vrai vaccin », une thérapie dont on ne connaît pas les conséquences. Non, il s’agit bien d’un vrai vaccin, i.e. un médicament introduit dans l’organisme, mimant le pathogène, ici un virus, en vue de stimuler l’organisme qui, lorsqu’il rencontrera le pathogène, le reconnaîtra comme un intrus et saura rapidement réagir via le système immunitaire (production d’anticorps, mécanismes cellulaires). Tous les résultats de phase III sont connus et les articles disponibles gratuitement. (1)Pfizer https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2034577
Moderna https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2035389
Astrazeneca https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2102214
J and J https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2101544 Les vaccins anti Covid sont probablement les produits de santé le plus suivis depuis leur commercialisation. Et ils ont été administrés à des millions de personnes, sans signal de danger comparable aux risques du Covid.
- Quant aux effets secondaires graves (AVC, Thromboses, infarctus de myocarde, anaphylaxie, paralysies du nerf facial, etc.), ils sont effectivement consultables dans des articles publiés mais leur fréquence eu égard à la fréquence des effets du Covid est infime, la balance bénéfices/risques est très nettement en faveur du vaccin.
- Produit précipitamment, nous dit-on encore, l’ARN-messager n’est pas un vaccin mais une thérapie génique, toujours en phase d’expérimentation. Autre idée reçue. Un article du Monde diplomatique dû à Frédéric Pierru, Frédérick Stambach et Julien Vernaudon explore les raisons de son succès : financement de la recherche et commandes de vaccins sur deniers publics, et une technologie déjà ancienne, arrivée à maturité au moment de l’épidémie.
- Passons rapidement sur l’idée infondée de l’utilisation de cellules humaines tirées de fœtus avortés : ce sont des produits de synthèse.
- Passons aussi sur un danger potentiel pour la fertilité. Au contraire, les vaccins à ARNm sont conseillés pendant la grossesse du fait de leur innocuité ! (2)Voir un site de référence francophone sur les médicaments et grossesse/allaitement, indépendant et reconnu par tous les professionnels de santé : https://lecrat.fr/spip.php?page=article&id_article=1123.
- Concernant la comparaison avec d’autres pays, il nous est opposé « l’envolée incroyable de l’épidémie en Israël, parmi une population vaccinée en plus de 90 %.
C’est une contre-vérité classique, seulement 64 % de la population israélienne est vaccinée complètement et 69 % a reçu au moins une dose : https://ourworldindata.org/covid-vaccinations?country=FRA. En France, 64% de la population est complètement vaccinée et 74 % ont au moins reçu une dose.
- On nous écrit encore qu’il existerait des traitements qui marchent et qui sont interdits, les stocks d’Ivermectine ou de HDC étant réquisitionnés… Rappelons qu’il n’existe aucune étude bien conduite sur l’homme montrant l’efficacité de l’ivermectine ou de l’hydroxychloroquine. Il ne s’agit pas de réquisitions mais de préserver des stocks pour les patients nécessitant ces traitements dans leurs indications usuelles qui sinon en seraient privés par des prescriptions irraisonnées.
Considérations politiques et citoyennes
Mentionnons le débat sur la vaccination chez les enfants de moins de 12 ans et le fait invoqué qu’il n’existe pas de travaux solides en faveur celle-ci. Outre le fait qu’on pourrait utilement développer le dépistage dans les écoles, on doit remarquer que ce serait une première que de vacciner des enfants pour une maladie qui les affecte peu, les Covid graves, en dehors d’enfants avec pathologie chronique, sont excessivement rares. Jusqu’à présent, les enfants étaient vaccinés pour les protéger de maladies infectieuses graves pour eux et pour aussi en empêcher la diffusion. Ce serait donc un changement de paradigme important que de les vacciner pour protéger non eux, mais uniquement la population adulte. Sachant aussi que leur système immunitaire est en cours de maturation et que les réactions à ces vaccins peuvent être plus fréquentes voire graves à terme (on n’en sait encore rien). Enfin, cette vaccination se ferait dans le but de pallier le manque de vaccination de la population adulte, alors que c’est la vaccination des adultes qui soit être encouragée et appuyée !
Nos lecteurs ont aussi insisté sur le rôle de l ’industrie pharmaceutique. Dans les clauses des contrats d’achat, il est exact que les gouvernements ont donné aux firmes des nouveaux vaccins, l’immunité totale en cas d’éventuelles poursuites pénales. Ce n’était pas l’objet de l’article de Ph. Hervé et nous renvoyons ici encore à l’article précité du Monde diplomatique, qui documente le rôle du « Big pharma » et la flambée des actions en bourse.
Cela dit on peut être favorable aux vaccins et critiquer Big pharma et ses profits. Il faut alors proposer des solutions pour s’en sortir, c’est celle du pôle socialisé du médicament : voir https://pratiques.fr/Pour-un-pole-socialise-du-medicament.
Nous n’insisterons pas sur les imputation de soutien à la politique sanitaire de nos gouvernements, les articles publiés dans ReSPUBLICA faisant foi. Si en effet des manifestants, à juste titre, « s’insurgent contre les mesures dictatoriales de Macron », nous n’en déduisons pas que le refus de se faire vacciner ni celui de se soumettre à des mesures de contrôle en effet contraires aux libertés publiques soient justifiés dans l’absolu, en dehors de toute considération citoyenne. La devise de la République française « Liberté-Egalité-Fraternité » n’est pas divisible. La Liberté sans la fraternité humaine est une aberration. Or la vaccination et toutes mesures limitant la diffusion d’un fléau pandémique vont dans le sens de la Fraternité, en protégeant les plus faibles en particulier.
Sauf à se mettre à distance du monde en niant toute responsabilité vis-à-vis des autres, la liberté individuelle connaît des limites. N’hésitons pas à caractériser le point de vue individualiste libertarien comme clairement d’extrême droite. (3)Définition du Larousse : « Partisan d’une philosophie politique et économique (principalement répandue dans les pays anglosaxons) qui repose sur la liberté individuelle conçue comme fin et moyen. (Les libertariens se distinguent des anarchistes par leur attachement à la liberté du marché et des libéraux par leur conception très minimaliste de l’État.) »
Ce courant de pensée est venu des USA où il est également présent dans la pensée économique et où Clint Eastwood et Iron Man peuvent l’illustrer.
Notes de bas de page
↑1 | Pfizer https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2034577 Moderna https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2035389 Astrazeneca https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2102214 J and J https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2101544 |
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↑2 | Voir un site de référence francophone sur les médicaments et grossesse/allaitement, indépendant et reconnu par tous les professionnels de santé : https://lecrat.fr/spip.php?page=article&id_article=1123. |
↑3 | Définition du Larousse : « Partisan d’une philosophie politique et économique (principalement répandue dans les pays anglosaxons) qui repose sur la liberté individuelle conçue comme fin et moyen. (Les libertariens se distinguent des anarchistes par leur attachement à la liberté du marché et des libéraux par leur conception très minimaliste de l’État.) »
Ce courant de pensée est venu des USA où il est également présent dans la pensée économique et où Clint Eastwood et Iron Man peuvent l’illustrer. |