Le nouveau traitement contre l’hépatite C du laboratoire Gilead (laboratoire américain) est un progrès médical important. 185 millions de personnes sont atteintes d’hépatite C dans le monde. Plus de 350 000 personnes meurent chaque année de maladie hépatique liée au virus. Les traitements actuellement disponibles peuvent provoquer de graves effets secondaires. Ils ne sont pas toujours efficaces et leur prix est très élevé. Le médicament existant, l’interféron pégylé, est produit par les laboratoires Roche et Merck, et peut atteindre la somme de 18000 dollars pour 48 semaines de traitement. Associé à la ribavirine, l’interféron, qui est injectable, peut soigner entre 40 et 70 pour cent des patients traités.
Le nouveau médicament, le Sofosbuvir (nom de marque Sovaldi), s’administre oralement. Le traitement est réduit à 12 semaines et il y a moins d’effets secondaires. Associé à d’autres médicaments, il peut présenter un taux de guérison de 90 pour cent. Mais son prix est astronomique, 84000 dollars le traitement (56000 €, soit 660€ le comprimé). Selon une étude, le traitement de 12 semaines vendu 84000 $ pourrait coûter entre seulement 62 et 134 dollars à produire. Soit 600 fois moins que son prix de vente ! L’argumentaire du laboratoire pour ce prix exorbitant est que « le prix du Sovaldi est juste, car il est fondé sur la valeur qu’il représente pour un grand nombre de patients ».
Pour l’industrie pharmaceutique, vous avez le choix, payer ou mourir. Dans la société féodale, les bandits qui rançonnaient les gens au cri de « la bourse ou la vie » finissaient pendus en place publique. Dans la société capitaliste, ils sont dirigeants de l’industrie pharmaceutique et ont pignon sur rue. Mais ce sont les mêmes bandits. Ce laboratoire a fait environ 3 Mds$ de bénéfices pour 10 mds$ de chiffre d’affaires et 4000 salariés, soit 550.000 € de bénéfice par salarié (30 fois le Smic annuel !). A ce niveau, ce n’est plus de la plus-value, c’est du racket.
Ahurissant.
Et ce médicament n’est même pas issu des laboratoires Gilead : Gilead a déboursé 11 milliards de dollars pour le rachat de Pharmasset, le fabricant à l’origine du médicament. 11 milliards de dollars, c’est 100 fois le Smic par salarié de Gilead ! 11 milliards de dollars ont donc été aux actionnaires de Pharmaset, avancés par les banques à Gilead, qui va se rembourser sur le dos des patients et des systèmes de santé. Au final, le patrimoine des actionnaires de Gilead aura augmenté d’autant, et ceux de Pharmaset auront empoché la plus-value sur leurs titres. Ce mécanisme d’accumulation du capital, par rachat à crédit et concentration, est devenu une source de profit juteuse dans le capitalisme d’aujourd’hui1, en substitution et en complément à l’accumulation traditionnelle du capital par la croissance de la production. La santé est une de ces sources de rente extraordinaire, avec des taux de profits gigantesques, alimentés par les cotisations des salariés ou par leurs versements aux assurances santé.
Mais il n’y a pas que la grande bourgeoisie des multinationales pharmaceutiques qui vit d’une rente sur le dos des patients et des systèmes de santé. La petite bourgeoisie aussi, à son échelle :
– Un pharmacien en France gagne en moyenne une fois et demie le salaire d’un ministre (dix fois le smic). Il s’agit des propriétaires de pharmacie bien sûr. Car un pharmacien salarié ne gagne que trois fois le Smic, en relation normale avec son niveau de qualification. Mais dans le cas des pharmacies, il ne s’agit pas de la rémunération d’une qualification, mais d’une rente, c’est-à-dire d’un revenu de la propriété et non du travail. Décidément, la Sécurité sociale fait vivre beaucoup de monde.
– Dans la catégorie des commerçants et artisans (chefs d’entreprises TPE PME), le top 4 des revenus moyens les plus élevés sont toutes des professions de santé. Le quarté dans l’ordre : pharmaciens, opticiens, ambulanciers, prothésistes dentaires. Les revenus cumulés des propriétaires de ces officines s’élèvent à 5,8 milliards d’euros.
Assurément, il n’y a pas d’autres solutions que de baisser la qualité des soins et de diminuer les remboursements pour limiter le déficit de la Sécurité sociale. Assurément.
Signalons pour compléter le tableau de cette petite bourgeoisie rentière, à coté des rentiers de la santé, les rentiers de la République. Un notaire en France gagne 13 fois le Smic et 1,9 fois le salaire d’un ministre.
Rev. annuel |
Valeur |
Valeur |
Nombre d’entre- |
Rev. Mds€ |
|
Pharmaciens |
175.900 |
10 |
1,5 |
22.498 |
4,0 |
Opticiens |
92.700 |
5 |
0,8 |
11.422 |
1,1 |
Ambulanciers |
75.500 |
4 |
0,6 |
5.500 |
0,4 |
Prothésistes dentaires |
68.400 |
4 |
0,6 |
5.300 |
0,4 |
Notaires |
227.791 |
13 |
1,9 |
8.036 |
1,8 |
Huissiers |
150.455 |
9 |
1,3 |
3.169 |
0,5 |
Greffiers tribunaux |
380.400 |
22 |
3,2 |
224 |
0,1 |
Sources : http://www.irinnews.org/fr/report/99392/un-m%C3%A9dicament-vital-contre-l-h%C3%A9patite-c-homologu%C3%A9-mais-co%C3%BBteux.
http://www.challenges.fr/entreprise/20131121.CHA7400/les-revenus-des-commercants-et-artisans-pharmacien-boulanger-coiffeur-plombier-ont-stagne-en-2012.html
1 Ce qui se passe dans l’industrie pharmaceutique est identique à ce qui se passe dans d’autres secteurs, comme les télécoms. Cf le rachat de SFR par Numéricable, en totalité à crédit, avec 13,5 milliards d’euros fournis sans difficulté par les banques. Ces banques qui ont tant de mal à faire crédit aux PME. Ces 13,5 milliards d’euro, c’est l’équivalent du salaire annuel net d’un million de smicard.