En collaboration avec l’association 0 de Conduite
Vivre l’intimité de l’un des leaders suisses du Parti de la droite radicale (UDC) Union Démocratique du Centre, ou comprendre le dernier référendum qui amène la Suisse à rejeter l’autre en instaurant des quotas en matière d’immigration… C’est à cette étonnante histoire que nous invite le réalisateur Jean-Stéphane Bron en la personne de Christoph Blocher.
La Suisse est belle et le réalisateur ne se prive pas de nous la montrer étale, verdoyante et lisse…. L’image y est sage comme le film ou plus exactement comme le héros de ce thrilleur politico-financier que nous allons suivre installé à l’arrière de sa puissante limousine, de rendez-vous en meetings jusque chez lui dans l’isolement de sa propriété monumentale.
C’est là toute la saveur de cette mise en scène, l’intelligence de lier réussite sociale et populisme sans jamais se laisser aller au dénigrement, de Christoph Blocher.
Il nous le montre comme il est, c’est à dire tour à tour jovial, vampire financier, ou implacable et vicieux en politique. Un homme « simplement » amoureux du slogan la Suisse aux seuls suisses. Avec douceur nous pénétrons dans ce monde du capitalisme financier à l’américaine. Nous découvrons ce montage trouble entre finances et populisme avec ses axes nationalistes et xénophobes.
Comme le dit Jean-Stéphane Bron : « ..La politique ne s’érige plus sur un espoir ou un projet mais sur l’idée que les choses vont aller de mal en pis, que l’Europe va forcément être une mauvaise chose et cela efface un morceau de l’histoire européenne. »
Nous découvrons en Christoph Blocher, un homme habile à capitaliser tant sur le plan personnel que sur la peur et les fantasmes d’une population inquiète et en détresse d’avenir. Au détour d’une route apparaissent les affiches simplistes et mielleuses, esquisses de bruits de botte, véritable appel à la violence, à la haine, du musulman, du juif,… cette volonté de refermer le pays sur lui-même et se livrer au nom de la salubrité-sociale au pillage financier du pays.
Serge Daney, proposa en découvrant Johan Van Der Keuken, de substituer au mot documentariste celui de « documenteur » illustrant ainsi la démarche d’un cinéaste qui part en appui sur le réel sans cesser d’enfoncer le clou de la fausse transparence des images. C’est à ce travail sur la forme, produisant des images filmées conçues comme des instants de contact que nous offre Jean-Stéphane Bron dans la découverte de ce « paisible » entrepreneur.
Terminons cet article par les mots qui ponctuent la fin du film : « Les loups repeuplent l’Europe. »