Les Mineurs Non Accompagnés font les gros titres de l’actualité en 2018. Ces MNA, qui étaient invisibles l’année dernière ont désormais leurs chroniques: Immigration, crise des migrants, mineurs isolés… Un sujet qui génère de la peur et du rejet dans un pays dont 33,9% des citoyens ont voté pour le premier parti anti-immigration aux élections présidentielles. Les médias diluent de la minorité isolée inquiétante sur la vague de l’actualité politique, sociale et sociétale non moins rassurante. Une partie de la population affiche violemment sur les réseaux sociaux ou en commentaires des articles presse leur hostilité à l’accueil des MNA à coup de « qu’ils rentrent chez eux. On ne peut pas accueillir tout le monde. Les français souffrent déjà bien assez »
Les chaines d’information déroulent régulièrement des bandeaux à répétition en jonglant avec un vocabulaire de crise sur fond d’invasion imminente : crise des migrants, immigration clandestine… La presse nationale s’interroge: « Mineurs étrangers isolés : une affaire européenne qui ne s’arrête pas à la majorité » (Le Monde) « Le casse-tête des immigrés mineurs » (Le Figaro), la presse locale inquiète son lectorat: « MNA : que des tracas » (Le postillon), la presse internet multiplient les accroches « Les vrais et les faux mineurs étrangers coutent très chers aux pouvoirs publics » (Novopress), , « Les migrants mineurs non accompagnés, un incontrôlable aspirateur de l’invasion » (Polémia). On touche là au paroxysme du lexique de la peur. On rajoute un zeste de religion et une bonne dose de « ça coute cher au contribuable » et on obtient juste de la colère et du rejet d’une partie de la population
Mais de quoi parle-t-on au juste?
Migration, émigration, immigration
Les études contemporaines d’archéopaléontologie, fondées sur la génétique, confirment que les grands mouvements migratoires existent depuis la préhistoire, de l’Afrique vers l’Europe par exemple, qu’il se sont poursuivis durant l’antiquité et après la Renaissance avec notamment la conquête de l’Amérique par les États européens.
Les preuves génétiques montrent qu’il n’existe pas de population moderne « purement » nationale ou européenne ; l’ADN et les isotopes conservés dans les dents et ossements anciens montrent au contraire que chaque individu résulte de migrations anciennes répétées et que les racines des peuples du monde sont très enchevêtrées. Peu de personnes descendent réellement directement des squelettes trouvés près de leurs lieux de résidence. Presque tous les Européens présentent des gènes provenant au moins de trois vagues migratoires majeures survenues dans les 15 000 dernières années. Dans le monde, seule une poignée de groupes (par exemple les aborigènes australiens) ont des lignées anciennes pas ou peu mélangées avec celles d’immigrants.
Les peuples ont toujours migré vers des espaces qu’ils croyaient meilleurs pour leur survie. Puisque l’homme est avant tout programmé pour survivre, quand les conditions de sa survie ne sont pas réunies (nourriture, climat, guerre, maladies…), il cherchera inexorablement une route pour fuir le danger ou pour trouver un monde meilleur.
Ces jeunes africains issus majoritairement de la parie subsaharienne, pour ne citer qu’eux et qui représentent une grosse partie de ces MNA, vivent dans des pays qui font partie des 20 pays les plus pauvres au monde selon le classement PIB par tête que leur attribue le Fond Monétaire International. Les guinéens sont 35,3% à vivre en dessous du seuil international de pauvreté, les burkinabés 43,7% et les maliens 49,3%
L’Afrique subsaharienne reste également la région dont le taux de non-scolarisation des enfants est le plus élevé pour toutes les classes d’âge : plus de la moitié (57 %) des jeunes âgés de 15 à 17 ans ne vont pas à l’école, comme plus d’un tiers (36 %) des adolescents de 12 à 14 ans et un cinquième (21 %) des enfants âgés de 6 à 11 ans. (Unesco Juin 2017)
Quant à l’accès à la santé, cinquante ans après leur accès à la souveraineté nationale, les pays d’Afrique subsaharienne subissent encore, de façon très discordante, une situation sanitaire inacceptable en ce début du XXIe siècle.
Depuis des décennies, l’Afrique est confrontée à de nombreuses maladies endémiques : fièvre jaune, paludisme, trypanosomiase qui affectent considérablement et durablement la santé de plusieurs millions d’Africains. En moindre mesure, des pathologies telles que la lèpre, le choléra et la tuberculose sont toujours présentes en Afrique. De nouveaux virus ont également fait leur apparition : Ebola et le Sida. En 2017, plus de 26 millions de personnes, dont 2,3 millions d’enfants, souffrent du VIH. L’Afrique subsaharienne constitue la zone la plus touchée par cette maladie. La fièvre Ebola, quant à elle, a récemment provoqué la mort de plus de 10 000 personnes en Afrique de l’Ouest. Ces maladies endémiques sont d’autant plus mortelles qu’elles viennent s’additionner aux carences énergétiques et protéiques dont souffrent plusieurs millions d’Africains.
L’accès aux soins peut constituer un véritable périple, le manque de routes praticables ne favorisant pas l’accès aux établissements sanitaires. La vétusté des hôpitaux est une réalité. Les équipements lourds tels que les scanners, par exemple, ne sont pas disponibles dans l’ensemble des établissements hospitaliers. Nombre d’entre eux sont de simples dispensaires n’offrant aucune prise en charge sérieuse. Au Sénégal, au début de l’année 2017, la seule machine de radiothérapie du pays, donnée par la France en 1989, est tombée en panne et ne sera pas remplacée. Quelques mois plus tard, le bloc opératoire du Centre hospitalier universitaire Aristide Le Dantec de Dakar a été fermé. Le compresseur, qui produit l’air comprimé nécessaire au bon fonctionnement des appareils d’anesthésie, est tombé en panne lui aussi.
L’accès aux médicaments constitue une autre problématique à laquelle les populations africaines doivent faire face. L’approvisionnement dans les hôpitaux privés peut s’avérer être une démarche complexe à effectuer. Ce phénomène favorise le trafic illégal de faux médicaments : entre 30 et 70 % des médicaments disponibles sur le marché sont des faux. Quant au personnel médical disponible en Afrique, il est intéressant de comparer la situation africaine à celle de l’Europe. En Europe, il faut compter 32 médecins pour une population de 10 000 personnes. En Afrique, on recense 2 médecins pour 10 000 personnes.
Des millions de personnes ne disposent d’aucune assurance maladie. Seules les populations les plus riches sont en mesure de s’en offrir une auprès de prestataires privés. Cette situation, en faveur d’un système élitiste et inégalitaire, entretient la spirale de la pauvreté et du non-accès aux soins à laquelle les personnes les plus pauvres sont confrontées. Lorsqu’un enfant est malade est que la famille n’a pas l’argent, il ne sera pas soigné et succombera à des maladies que nous soignons avec des antibiotiques en Europe. Le taux de mortalité infantile est particulièrement élevé et l’espérance de vie à la naissance est également parmi les plus faibles au monde.
Les pays de l’Afrique subsaharienne ont comme point commun de vivre sous des régimes autoritaires, sans institution judiciaire solide, sans presse libre et avec un taux de corruption élevé. De plus, le climat et les sécheresses mettent à mal une agriculture fragile. Si bien que la sécurité alimentaire n’est pas assurée pour ces pays. Il s’agit pourtant d’un prérequis. Il n’y a pas de croissance quand un pays ne mange pas.
Et pourtant, certains de ces pays jouissent de matières premières considérables. La Guinée, par exemple, est un pays qui regorge de ressources naturelles : diamants, or, fer, nickel. Elle possède les plus grandes réserves mondiales de Bauxite (qui sert à la fabrication de l’aluminium et dont elle est le premier exportateur). Un Eldorado pour les exploitants chinois, français et russes. Pour les Guinéens, des hectares de manguiers, avocatiers et arbres à noix de cajou rasés, des plantations de riz, de fonio et de manioc qui disparaissent et des eaux polluées. Pas de retombée prospère sur une population affamée mais un juteux commerce international dont les bénéfices ne remplissent que les poches des membres du gouvernement de l’un des pays les plus corrompus au monde.
D’après le rapport économique sur l’Afrique 2017 édité par l’Uneca, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté en Afrique (hors Afrique du Nord) a augmenté de 42 %, entre 1990 et 2002 et 50 % des pauvres du monde entier se trouvent en Afrique en 2013. On parle d’ailleurs pour ces pays-là de seuil d’extrême pauvreté avec un accès limité à l’eau potable et à la nourriture. La malnutrition reste la première cause de mortalité infantile au Mali avec 20% des enfants qui naissent déjà avec une insuffisance pondérale.
Et alors ils traversent
C’est à ce moment-là peut-être qu’on peut commencer à envisager de comprendre la migration, la fuite, la survie…
Il ne s’agit pas là en effet de culpabiliser les citoyens européens sur la situation africaine, mais de comprendre qu’en dehors de nos peurs irrationnelles d’une invasion barbare et d’une augmentation massive d’impôts qui financeraient leur accueil qui sont nos propres préoccupations, la leur est simplement de tenter la route vers un destin meilleur. C’est leur chemin inévitablement de chercher plus loin une vie décente.
Exit les assoiffés d’allocations CAF tels que veut nous les décrire l’extrême droite
Exit les raisonnements limités sur l’intention ou la préméditation de vouloir voler du travail ou de l’argent public français ou européen.
On voit bien là qu’il n’est aucunement question de ces choses-là dans la tête de ces jeunes de 13, 14 ou 15 ans qui un matin, vont quitter leur maman, leur papa, leur maison, leur pays… sans aucune visibilité sur ce qu’ils trouveront sur leur chemin, ni d’assurance sur leur survie. «Mes parents ils ne voulaient pas que je parte parce qu’ils savent que y a pleins de gens qui meurent sur la route. Mais j’ai décidé de partir parce que si je restais là-bas, je n’allais pas à l’école, je n’ai jamais su écrire mon nom ni parler bien français. Là-bas, ton parent se demande tous les jours qu’est-ce que je vais faire pour nourrir mon enfant alors j’ai décidé de prendre la route. Et je savais qu’il n’y a que 2 solutions : tu rentres en Europe ou tu meurs sur la route » (MT, malien, 17 ans)
Ils ont entendu parler de l’Europe, de la France (dont ils sont des anciennes colonies). On y mange à sa faim, on ne meurt pas de tuberculose ou d’une crise de palu, on a le droit d’aller à l’école et d’apprendre à lire et à écrire. Il y a même des lois qui protègent les enfants. Cela parait surnaturel au premier abord et va le devenir plus encore quand ils vont découvrir que ce pays a même les moyens de décorer ses rues pour Noël ou de mettre en place un système d’assurance maladie pour les animaux de compagnie.
Alors ils prennent la route. Certains de leur propre chef, d’autres sont emmenés sur la route par un lointain parent sans même l’avoir anticipé.
Et là, leur calvaire ne fera que commencer. Aucun cerveau humain ne peut décemment imaginer que la suite de son exil puisse être aussi violente et incertaine. Ces jeunes devront conserver le plus longtemps possible leur maigre pécule afin de payer du passage, de la nourriture, de l’eau… Ils devront cacher leurs extraits de naissance qui prouvent leur nationalité et leur âge. Ils devront se protéger eux même du vol et de la torture. Depuis leur pays natal jusqu’à l’Europe, ils devront affronter toute sorte de professionnels du marché de la misère migratoire. Ils essaieront de conserver leur vie le plus longtemps possible.
Et, bien avant d’atteindre l’Europe, ils devront survivre à l’enfer de la barbarie libyenne.
De nombreux jeunes ont témoigné de leur souffrance de devoir s’abreuver pendant plusieurs semaines de l’eau salée de la mer qui brule et n’étanche pas la soif. Mais ce n’est que le sommet de l’iceberg des atrocités commises par les trafiquants libyens. Ceux qui tentent de rejoindre des habitations pour trouver de l’eau sont abattus sur place. Ils sont assignés au bord de mer où ils guettent désespérément un bateau pour quitter ces côtes barbares.
Un nombre croissant de migrants transitant par la Libye sont vendus sur des « marchés aux esclaves » avant d’être soumis au travail forcé ou à l’exploitation sexuelle, alerte un rapport publié le 11 avril par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
« Les passeurs qui prennent en charge les migrants à l’entrée de la Libye, les font voyager dans des conteneurs ou dans des camions dans des conditions plus que rudimentaires. Ils les débarquent ensuite sur des espèces de marché où ils sont vendus comme des esclaves. Mais il y en a aussi une partie qui vont être livrés à des bourreaux qui vont les torturer en direct en appelant leurs familles », explique un médecin. « Ils sont électrocutés avec de la haute tension, battus, pour exiger que leurs familles versent des rançons qui peuvent aller jusqu’à 5.000 dollars. Ils sont torturés jusqu’à la mort. Le but c’est d’obtenir des rançons quel qu’en soit le prix », déplore ce médecin. « Et si les détenus sont tués, ça ne pose aucun problème aux bourreaux parce qu’ils en ont suffisamment ».
Les survivants à la torture et à la sous-alimentation et ceux qui ont trouvé un moyen de « négocier » leur passage au dépend de leur intégrité physique et mentale, vont être entassés au bout de quelques semaines sur des canots pneumatiques totalement inadaptés à la haute mer et vont tenter de rejoindre l’Europe. La plupart de ces canots n’arriveront jamais.
En septembre, le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR) révélait qu’en 2018, 1 personne qui essayait d’atteindre l’Europe sur 18 trouvait la mort en Méditerranée. Depuis septembre, ce chiffre a encore grimpé : ils étaient 1 sur 5 à perdre la vie ou à «disparaître» entre la Libye et l’Europe, selon le chercheur Matteo Villa, de l’Institut italien pour les études de politique internationale.
Géré par l’association franco-allemande SOS Méditerranée et par Médecins Sans Frontières, L’Aquarius, privé de pavillon depuis cette période-là et forcé de rester à quai restait l’un des seuls navires à secourir les survivants. La dernière campagne de SOS Méditerranée résume parfaitement les enjeux de cette traversée inhumaine : « l’envie de vivre est la plus belle chose que nous avons en commun »
Ceux qui franchissent les portes de la forteresse européenne et celles des hôtels de police français en se signalant Mineurs Non Accompagnés, ce sont eux, ne l’oublions pas. Ce sont les survivants.
Accueillir ?
Au-delà des débats, circulaires et jurisprudences sur les outils de vérification de la majorité, les conditions et modalités d’évaluation et d’accueil des MNA qui mobilisent le gouvernement français et les services départementaux de la protection de l’enfance, les questions qu’il serait à mes yeux cruciales de se poser réellement seraient plutôt les suivantes « Ont-ils le choix ? A ton le choix ? A quel moment pouvons-nous hésiter à accueillir ces jeunes-là ? »
On peut mesurer le degré de désespérance d’un peuple quand un jeune malien à qui je demandais si pendant les 4 semaines qu’il a passé affamé, assoiffé et apeuré sur une plage libyenne, il a imaginé de rebrousser chemin, me répond « Celui qui a fait la route ne peut pas se retourner. C’est impossible. Il sait ce qu’il a laissé derrière lui et ce que ça lui a couté et s’il retourne là-bas c’est ça encore qu’il va retrouver devant lui. Il préfère mourir ici plutôt que de rentrer au pays »
La citoyenne que je suis ne se sent pas à l’origine de la misère africaine, pas plus que je ne me sens le droit à l’exclusivité des bénéfices des acquis concernant la protection de l’enfance du pays où ma famille a eu la chance de pouvoir migrer à un moment donné de son histoire
La demande de ces jeunes: avoir le droit d’aller à l’école, apprendre un métier. Avoir le droit de manger tous les jours. Pouvoir s’endormir en sécurité
L’état français pendant ce temps verrouille les frontières, augmente les prises en charge des centres de rétention et imagine des décrets de contestation de la minorité de ces jeunes, comme si le fait d’avoir 18 ans et demi ou 19 ans annulait automatiquement le besoin de protection de ces survivants de la mondialisation
Les navires des ONG, l’Aquarius étant le plus connu, et qui a sauvé quelques 30.000 personnes de la noyade depuis 30 mois sont accusés d’être des passeurs, poursuivis en justice sur des accusations fallacieuses et séquestrés à quai au nom des intérêts protectionnistes des sommets européens.
Et pendant ce temps-là, les garde cotes libyens n’en finissent plus de récupérer les cadavres. La Méditerranée est en passe de devenir le plus grand charnier de l’histoire, la fin de la route et de la vie pour 1 africain sur 5.
Les départements qui ont hérité de la gestion des MNA développent toute sorte de stratégies pour mettre en doute la minorité de ces jeunes et les expulser vers d’autres départements ou des centres de rétention. Nos services de protection de l’Enfance transforment ces jeunes en clandestins, en hors la loi. Ils n’ont pas de parent, de famille ni d’argent. Ils se retrouvent démunis de tout dans des rues, dans un pays dont ils ne connaissent pas les codes ni pas très bien la langue.
Ils ne vont pas repartir. Ils préféreraient mourir ici. Alors comment vont-ils survivre dans la rue, en mauvaise santé physique et psychologique, sans argent et en étant devenus des clandestins à la merci de n’importe quel contrôle de police ? Comment survit-on quand on a 16 ans et qu’on ne sait ni lire ni écrire dans un pays étranger ? Comment survit-on quand on n’a même pas le droit de travailler pour se nourrir ? Et que l’on n’a aucun droit dans ce pays.
S’ils ne sont pas secourus par des associations de défense malmenées par les pouvoirs publics et une partie de la population, des avocats en quête de justice ou des citoyens dont l’élan de solidarité pourra être requalifié en délit, le risque majeur pour notre pays (en dehors des suicides de ces jeunes qui n’est pas un risque majeur pour le pays) est de les retrouver dans les circuits de la délinquance, de la vente de drogue par exemple ou sous la mainmise des vautours de l’intégrisme dont c’est la mission de récupérer ceux qui n’ont plus rien à perdre.
Les citoyens auront alors de vrais raisons d’avoir peur parce que ces jeunes n’auront plus rien à perdre et qu’il n’y a rien de plus dangereux que d’entretenir sur le sol d’un pays des gens qui n’ont plus rien à perdre.
Et ce sera l’Etat français qui les aura amenés là.
Alors qu’au départ, ce sont juste des êtres humains qui tentent de fuir la misère de pays sacrifiés à l’autel de la mondialisation et qui cherchent protection auprès de leur ancêtre colon qu’ils respectent au plus haut point dans sa notoriété exemplaire de pays des droits de l’homme
Bien sûr, tout ceci a un coût. Actuellement, l’argent public est utilisé à payer des chambres d’hôtels pour conserver des jeunes pendant des mois en attendant leur majorité et l’opportunité de les expulser, à financer très largement des dispositifs d’évaluation de la minorité et de construire des places dans des centres de rétention.
En plus, il faudra vraisemblablement augmenter ce budget-là dans quelques années pour renforcer la lutte contre la délinquance de ces jeunes qui vont tenter de survivre et multiplier les campagnes de vaccinations ou de soins pour contrer certaines maladies anciennement éradiquées en passe de revenir puisque qu’ils n’auront pas de droit à une couverture sociale et un suivi sanitaire régulier.
Pourquoi ne pas repenser globalement cette ouverture de la forteresse du pays des droits de l’homme et mettre l’argent public dans des solutions plus pertinentes, moins onéreuses et surtout plus pérennes.
L’avant-propos du rapport mondial de suivi sur l’éducation 2019 de l’Unesco qui s’intitule « Migration, déplacement et éducation : Bâtir des ponts, pas des murs » alerte contre l’obscurantisme et symbolise parfaitement l’existence de voies alternatives à cette parodie d’accueil actuelle.
« Les lois et les politiques actuelles ne prennent pas en compte les enfants migrants et réfugiés. Elles nient leurs droits et négligent leurs besoins (…) Délaisser l’éducation des migrants est un immense gaspillage de potentiel humain. Pour un simple problème de paperasserie, de données qui manquent et de systèmes bureaucratiques mal coordonnés, nombreux sont ceux qui voient leur dossier bloqué dans les rouages de l’administration. Pourtant, investir dans l’éducation de migrants et de réfugiés talentueux et motivés contribue à stimuler le développement et la croissance du pays d’accueil comme du pays d’origine (…). De même, il est vital de s’appuyer sur un programme d’études bien conçu, apte à promouvoir la diversité, fournir des compétences essentielles, dénoncer les préjugés et avoir des retombées positives au-delà des murs de la salle de classe (…) Ce Rapport lance un message clair : investir dans l’éducation des personnes en situation de déplacement, c’est refuser tout ce qui nourrit la frustration et l’instabilité et s’engager résolument dans la voie de la cohésion et la paix. »