Il est fréquent de constater la confusion chez un grand nombre de militants de gauche, d’intellectuels, d’universitaires ou de simples citoyens… qui fait qu’ils attribuent automatiquement la qualité de progressiste à tout parti politique du seul fait qu’il soit engagé dans un Mouvement de libération nationale.
Qu’est-ce qu’un Mouvement de libération nationale ?
C’est un parti ou un ensemble de partis qui participent à la lutte (souvent armée, mais pas nécessairement) pour la libération de leurs pays de l’envahisseur étranger. C’était le cas hier en Afrique, en Asie… C’est le cas aujourd’hui des organisations palestiniennes laïques telles que le Fatah, le Parti du peuple palestinien (communiste), le Front démocratique de libération de la Palestine et le Front populaire de libération de la Palestine (tous deux d’extrême gauche) ; ou des organisations intégristes telles que le Hamas et le Djihad islamique en Palestine, les laïques du Parti communiste libanais et les intégristes du Hezbollah au Liban.
Mais qu’en est-il de leur nature de classes, de leurs doctrines respectives ? Il est clair que le Hamas, le Djihad islamique (après avoir longtemps été au service d’Israël), et le Hezbollah libanais (inféodé comme eux à la Syrie et à l’Iran) sont des partis dont le projet de société est celui d’une Palestine et d’un Liban théocratiques et d’inégalités sociales criantes… En plus du fait qu’ils combattent Israël, sur une base ethnico-religieuse, et non sur la base des valeurs humaines universelles et sur celle des droits de l’Homme.
C’était hier également le cas de la participation, pleine et entière mais minoritaire, d’organisations de la bourgeoisie française à la résistance antinazie, et incarnées par Charles de Gaulle. Ces dernières appartenaient bel et bien au Mouvement de libération nationale de la France. Mais étaient-elles progressistes ? Pas du tout. Elles étaient pires : des colonialistes. Ils pratiquaient contre les peuples colonisés une barbarie de même nature que celle des nazis, même si elle n’était pas de même degrés.
De la contradiction principale
Quelle devrait être alors notre position, à nous, républicains de gauche, laïques et féministes à l’égard du Hamas, du Djihad islamique et du Hezbollah, pour prendre des exemples actuels ?
Notre lutte implacable contre l’islamisme ne doit pas nous aveugler au point d’oublier quel est l’ennemi principal du peuple palestinien : Israël. De même que l’ennemi (israélien) de mon ennemi (islamiste) n’est pas forcément mon ami. L’inverse est également vrai.
Par conséquent, notre position doit être arrêtée d’abord en fonction de la nature de la contradiction principale qui traverse la société palestinienne. C’est depuis plus de soixante ans celle qui oppose la très grande majorité du peuple palestinien à l’occupant étranger. Parce conséquent, les coups, d’où qu’ils viennent, qui sont portés à Israël, affaiblissent son potentiel politique, militaire, économique et diplomatique, et le rendent de ce fait plus vulnérable aux pressions de la communauté internationales, afin de hâter l’avènement d’un Etat palestinien.
Ceci dans le principe. Car la fin ne justifie pas toujours les moyens. Nous sommes pour cette raison opposés par exemple aux attentats kamikazes contre les civils juifs israéliens, quelle que soit l’organisation palestinienne qui les commet.
Ceci en raison des principes humanistes, qui nous animent, et qui doivent animer la cause palestinienne. Sinon, les organisations palestiniennes qui les commettent – c’est déjà le cas du Hamas et du Djihad islamique – partageraient le même mépris de la vie humaine que les dirigeants politiques et militaires israéliens.
Ensuite, parce que ce type d’attentats est contre-productif. Ils suscitent chez l’opinion publique mondiale un élan naturel de compassion envers les victimes, parmi les enfants, les femmes et les civils juifs israéliens en général …
Aux yeux de l’opinion, ces actions ne sont pas des actes de résistance, mais des crimes. A juste titre ! Or, la cause palestinienne a un besoin crucial de soutien de cette opinion.
C’est cette dernière, dont celle des pays occidentaux, qui est de plus en plus sensible au drame du peuple palestinien, et qui finira par peser graduellement sur ses dirigeants pour les amener à mettre fin à l’impunité d’Israël, à lui infliger des sanctions méritées, à lui faire payer le prix de l’occupation, jusqu’à l’obliger à instaurer la paix avec les Palestiniens.
C’est d’ailleurs la même opinion publique qui avait exprimé sa vive désapprobation du massacre de grande ampleur que l’armée israélienne avait commis à Gaza, en janvier 2009.
De la contradiction secondaire
Néanmoins, la société et les organisations de résistance palestiniennes sont traversées par une autre contradiction, secondaire, celle-là.
Ce type de contradiction, à cette étape du Mouvement de libération nationale palestinien, porte sur l’hégémonie politico-idéologique sur le front de lutte contre Israël. En effet, chaque organisation de résistance palestinienne aspire aussi à se placer à la tête de ce front de lutte, du moins disposer d’un poids suffisant pour peser le plus possible – avant tout – sur la nature du régime politico-institutionnel du futur Etat palestinien : un régime démocratique et laïque ou moderniste ? ou un régime théocratique islamiste et capitaliste primaire ?
Bien évidemment, de par nos idéaux de justice et en tant qu’humaniste, notre soutien va sans équivoque vers les organisations non islamistes : les organisations palestiniennes laïques, a fortiori de gauche, ainsi qu’à l’ensemble de la société civile progressiste et laïque palestinienne ; tout en dénonçant les agissements des intégristes palestiniens chaque fois qu’ils nous paraissent attenter aux droits de l’Homme ou aux valeurs humaines universelles, que ce soit dans la lutte contre Israël ou contre le peuple palestinien lui-même.