Il y a plus d’un demi-siècle, Mai-68 resplendit en France.
Au même moment en Italie, se développa un mouvement social tout aussi puissant, peut-être même plus, que l’on nomma le « mai rampant ». Des mois de luttes tournantes, région par région, usines après usines, se déroulèrent dans la péninsule tout au long de 1968 et de 1969. Un slogan en émergea, repris plus tard par une organisation politique de masse : « La lotta continua ! ».
Cinquante-deux ans plus tard, il existe des analogies dans la France d’aujourd’hui avec cet épisode politique italien.
Le mouvement social en phase d’accumulation de force
Ici et maintenant, on pourrait parler d’un mouvement social permanent depuis le 17 novembre 2018, depuis 15 mois donc, qui accumule et accumule encore de l’énergie, mais qui n’a pas encore connu son « moment politique ».
Visiblement, le mouvement du 5 décembre n’est pas “défait”… comme d’ailleurs les “ gilets jaunes” n’ont pas été “défaits”. Certes, la grève n’a pas été « générale », mais le mouvement tourne, d’une profession à l’autre sans jamais s’éteindre.
Par ailleurs, “l’hégémonie idéologique” de la bourgeoisie financière est sérieusement entamée. L’usure joue enfin en notre faveur, comme jamais depuis 50 ans. Deux mois après le début du mouvement, une large majorité de Français le soutient.
Pourtant, le gouvernement, qui a pratiquement perdu toute base sociale y compris dans les couches moyennes et supérieures, poursuit son offensive au lieu de reculer en bon ordre ou simplement de temporiser.
La raison en est très simple : dans la situation concrète présente, pour le capitalisme financier il ne s’agit pas d’une offensive comme le pensent certains mais au contraire d’un combat défensif. C’est le point central ! Il faut comprendre que la crise financière est tellement forte aujourd’hui qu’il lui est indispensable de mettre la main en urgence sur les centaines de milliards des retraites pour renflouer en catastrophe un système bancaire et assuranciel en déroute. Nous avons en face de nous un capitalisme défensif qui exige expressément de Macron qu’il impose dans les plus brefs délais un nouveau système de retraite par capitalisation. Il s’agit d’une capitalisme prédateur, aux abois, dangereux et qui pousse le pouvoir… peut-être à commettre des erreurs !
Car, au niveau institutionnel, les choses ne sont pas évidentes entre les 19 000 amendements de LFI, les réticences du Sénat et le mauvais esprit du Conseil d’État. La situation se révèle fort compliquée et le gouvernement peut se retrouver englué dans une lutte de tranchées institutionnelle de deux, trois, ou quatre mois !
Le 17 février, commence un « moment politique » nouveau
Le mouvement social doit se préparer à cette nouvelle phase, celle du début du débat de la loi inique sur les retraites à l’Assemblée nationale en séance plénière.
Aux AG du mouvement de lutte de continuer à proposer des actions spectaculaires, originales, bloquantes, unitaires et surtout en permanence, oui en permanence ! Car le mouvement des « gilets jaunes » nous a appris un point essentiel : la discontinuité est notre ennemie, la continuité est notre alliée. Le pouvoir veut en permanence changer de sujet, comme on dit «une actualité chasse l’autre » dans la société du spectacle. Il faut être tenace et insister, insister encore. AG, grèves, blocages, unitaires et interprofessionnels doivent continuer à se succéder et proposer des occupations de lieux, de rues (pourquoi pas une « montée nationale » avec l’occupation pacifique de la rive gauche de Paris, siège du parlement?).
Les AG de lutte doivent s’approprier des projets d’actions sans attendre des consignes du sommet. C’est à la base de rythmer la mobilisation ! C’est du peuple travailleur que vient la créativité de la riposte.
Premier point positif : le lundi 17 février, le mouvement semble vouloir redémarrer à la RATP. Il faut le généraliser. Mais que faire le 18 ou le 19 ? Voilà la question à débattre dans les AG de lutte la semaine qui vient.
Être prêt à répondre à la menace du 49.3
Attention, le gouvernement peut être amené à tenter un coup de force qu’il faut possiblement transformer en une énorme erreur, nous parlons d’un passage en force par le 49.3.
Bien sûr cette procédure anti-démocratique, expression même de la constitution de la Ve République, est très dangereuse. Mais le 49.3 permettrait aussi paradoxalement au mouvement social d’avoir un « moment politique » puisqu’il s’étalerait sur seulement 15 jours.
Le 49.3 n’est pas une arme absolue, le 49.3 n’est pas un « LBD », car il pourrait être contré par une grève généralisée courte dans le temps et réelle dans les faits cette fois-ci. Ce « surgissement » pourrait être la résultante d’un rapport de force accumulé sur les 15 derniers mois… C’est une hypothèse mais il faut être prêt à répondre au coup de force d’une macronie ayant perdu tout repère et pouvant être tentée par l’aventurisme.
Bref, face à la menace du 49.3, il faut proposer aux AG de lutte l’idée d’une contre-menace, celle d’une grève généralisée immédiate à partir du moment où le 49.3 aurait été décidé par le gouvernement.
À partir du lundi 17 février, le « surgissement social» doit être à l’ordre du jour.
Rien n’est joué, « La lotta continua ! »