Néolibéralisme et crise de la dette, par Bernard Teper et Michel Zerbato
mars 2012, 128 p. 8,50 €
en libraire – ISBN 979-10-90966-02-4
Parmi les nombreux ouvrages traitant de la crise actuelle, celui-ci ne se distingue pas par une lecture linéaire et reposante, guidant le lecteur d’un exposé des origines et des causes, à la description de la situation avant de déboucher sur des pistes ou propositions, classées le long d’un axe dont un pôle est « sortons de l’Europe et/ou de l’euro » et l’autre « le cadre européen est nécessaire, régulons la finance ». Le propos ici est plus complexe et l’ordre d’exposition inverse : les 20 premières pages tracent un tableau de la République sociale dans toutes ses implications où les lecteurs de RESPUBLICA reconnaîtront bien des propos lus sous la plume d’Evariste et de Bernard Teper en particulier. Ce cadre étant défini, vient ensuite l’analyse économique, mais elle ne va pas se restreindre à un discours d’« experts » ni à un programme tout ficelé : devant une crise systémique, en vue d’un changement profond de système, il s’agit d’abord d’expliciter les mécanismes.
Si la partie centrale du livre, due à l’économiste Michel Zerbato, s’intitule « Economie politique de la crise », il faut l’entendre au plein sens du terme avec comme référence – à la fois dans le passé et pour l’avenir – l’esprit du Keynes de Bretton Woods et du programme du Conseil national de la Résistance : une société où le corps politique s’interposant entre la société civile et l’Etat fait sortir l’éducation, la protection sociale et les services publics de la sphère du marché, y désigne ses représentants et arbitre le financement entre la cotisation et l’impôt.
L’auteur détaille les avancées des Trente Glorieuses qui surent un temps combiner une croissance de type fordiste et la redistribution des gains de productivité aux travailleurs grâce à de puissantes luttes sociales, puis sous l’effet de la baisse structurelle du taux de profit le recours à l’inflation qui justifia le discrédit du keynésianisme et son remplacement par le néo-libéralisme. Il faut suivre dans le détail, et en fonction des pays, la chronologie et les variantes doctrinales qui accompagnent ce processus : il aboutit clairement en 2007 à une impasse : « le néo-libéralisme est sorti de la spirale inflation-dévaluation des années 70 et de la stagflation terminale en s’enfermant dans la spirale dette-austérité-stagnation, qui lui sera fatale, parce qu’elle dresse devant lui un mur qu’il ne peut pas franchir, le mur de la dette ».
Préparée par un chapitre très pédagogique sur la monnaie et la création de monnaie, la démonstration du caractère contradictoire et nocif de la gestion financière de l’économie, celle qui privilégie la rente à court terme sur l’accumulation réelle, peut alors se déployer pour décrire les années 2008-2011 et conduire à la conclusion que seule la démondialisation peut permettre le retour à la souveraineté monétaire. Revenir au cadre national, à la République en lieu et place du gouvernement par des bureaucraties, est donc le préalable à toute construction altermondialiste – démocratique cette fois et sous réserve des convergences nécessaires. Distinguant des mesures de temps court et des mesures de temps long, l’auteur reste prudent sur les divers scénarios mais il rappelle que seules les catégories sociales les plus nombreuses et les plus concernées, c’est-à-dire les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires, seront en mesure de peser sur la transformation sociale dans notre pays, que c’est donc à elles qu’il faut s’adresser (1)et c’est à quoi vise cette nouvelle collection de livres d’éducation populaire intitulée « Osez la République sociale ! », qui gagnera cependant à une présentation plus soignée pour ses prochains titres.
Notes de bas de page
↑1 | et c’est à quoi vise cette nouvelle collection de livres d’éducation populaire intitulée « Osez la République sociale ! », qui gagnera cependant à une présentation plus soignée pour ses prochains titres |
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