Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez au cours de l’inauguration de la grande mosquée de Strasbourg su reconnaître la place de nos concitoyens musulmans dans notre société ainsi que leurs droits. Vous avez affirmé que l’extrémisme, le racisme et le rejet des lois de la République seraient sévèrement punis et il faut applaudir à ce discours de raison et de fermeté.
Mais il y a tout lieu d’être consterné lorsque vous déclarez : « en Alsace vous êtes l’exemple même. Et lorsqu’un système fonctionne, qui est compatible avec notre république et notre démocratie il n’y a pas de raison de le supprimer en prétextant l’exception qu’il représente ». Car il ne s’agit pas d’une simple exception mais de l’exact contraire de la république laïque. Celle-ci je vous le rappelle Monsieur le ministre, ne «ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte» (art 2, loi du 9 décembre 1905). En Alsace et en Moselle, seuls quatre cultes (catholique, luthérien, réformé, israélite) sont reconnus et officiellement subventionnés. La Cour européenne des droits de l’homme ne cesse de recommander à tous les pays membres du Conseil de l’Europe de traiter également tous les cultes, que les règles soient claires et sans exception, c’est-à-dire : n’en financer aucun ou les financer tous. Je crains que cette assemblée de juristes éminents goûte assez peu votre acrobatie sémantique qui affirme la compatibilité d’un principe et de son contraire.
Le régime dérogatoire d’Alsace et de Moselle introduit donc dans sa forme même une inégalité de traitement des cultes puisque certains sont reconnus et financés, d’autres pas. Il y a plus, il ne laisse aucune place aux athées et agnostiques qui subissent à l’école publique, la pression des églises et qui sont contraints, par la voie des impôts locaux à financer des cultes qui ne les concernent pas, au mépris de leur liberté de conscience…
Et au-delà, que dire de l’atteinte à la liberté de conscience de tous les contribuables français qui versent, à leur insu, par l’intermédiaire du budget national, les salaires et les pensions des ministres des cultes reconnus d’Alsace et de Moselle alors qu’ils pensent vivre dans un État laïque ?
Pas une fois vous n’avez mentionné les droits de ceux d’entre nous qui ne se reconnaissent dans aucune religion. Ils sont majoritaires en France aujourd’hui, et ce sont encore une fois les grands absents de votre discours, comme s’ils n’existaient pas, comme s’ils devaient toujours et encore s’accommoder de tous les avantages financiers octroyés aux cultes sur le montant de leurs impôts. Pourtant ce qu’ils ne cessent de réclamer, avec tous les croyants laïques, c’est simplement l’application de la laïcité, c’est-à-dire de la loi de séparation des Églises et de l’État.
Voilà pourquoi Monsieur le ministre, votre discours nous a consternés, nous, citoyens laïques, athées, agnostiques ou croyants, de la République française.