L’économie sociale et solidaire (ESS) est basée sur une forme d’organisation particulière des entreprises ayant comme socle des valeurs de liberté et de solidarité. Ce sont des sociétés basées sur des personnes et non sur des capitaux. Le droit de propriétaire est remplacé par un droit à développer ensemble, c’est-à-dire un droit de copropriété. Il n’y a pas d’actionnaires et la démocratie se traduit par le principe une personne, une voix.
Les formes les plus connues de ces organisations sont les associations, les coopératives, les mutuelles et les fondations. Elles ont un ancrage territorial local qui, additionné à l’aspect collectif de la propriété, les protège d’OPA éventuelles.
Données quantitatives
En France (Sources : INSEE, rapport MINEFI Avril 2010 et Ap2E) :
- Total ESS : 215 000 établissements en 2007 représentant environ 10 % de l’emploi salarié hors agriculture %; sur les 22 millions de salariés que possède la France, 2,1 millions travaillent dans l’ESS. La masse salariale représente 8 % de la masse salariale nationale. Au total l’ESS contribue à 8 % du PIB dont 3 % pour les associations et fondations.
Les pourcentages des emplois par spécialité de l’ESS par rapport au nombre d’emplois de la spécialité au niveau national sont : le social (64,5 %), activités financières (34,6 %), sports et loisirs (21,4 %), éducation (9,8 %), santé (10,5 %).
D’autre part l’emploi féminin atteindrait le ratio de 65,5 %.
- Les associations représentent 183 000 établissements (sur les 215 000). Elles possèdent 1,7 million d’emplois soit 7,6 % de l’emploi salarié et 5,7 % de la masse salariale nationale. Le budget cumulé est de 59 Mds €. Dit autrement, le volume d’emplois est de 1 050 000 emplois équivalents temps plein (ETP) qui utilisent 14 millions de bénévoles représentant un volume de travail équivalent à 935 000 emplois ETP dont l’impact n’est pas introduit dans le PIB.
- Les coopératives et mutuelles représentent 24 000 établissements coopératifs et 7 000 établissements mutualistes. Dans ces deux secteurs réunis, les banques et assurances représentent 14 000 établissements coopératifs et 5 000 établissements mutualistes.
Le bilan de l’ESS est considéré comme très positif au point que le gouvernement lui a accordé l’année dernière un rapport accompagné de 50 propositions et un colloque. En effet malgré « la crise » l’emploi dans le secteur de l’ESS a continué à croître. L’une des raisons évoquées de son développement est relative à l’importance de son maillage très fin et à son ancrage dans le territoire national.
Dans ce rapport il est conseillé au gouvernement de développer les activités et les emplois de l’ESS. Dans la proposition 19, il est proposé de considérer certains projets relevant de ESS comme faisant partie de projets d’innovation sociale. Les propositions 29 et 38 recommandent de favoriser la reprise des PME en difficulté aux salariés ou la transmission des PME à d’autres organisations relevant de l’ESS sous forme de coopératives en soulignant le besoin d’apporter une attention aigüe aux aspects juridiques de telles organisations.
L’ESS en Europe (25 États) comporte 240 000 coopératives dans tous les secteurs de l’économie : l’agriculture, les intermédiaires économiques, le commerce de détails, le logement, l’industrie sous forme de Scop de travailleurs, la construction et les services en général. Ce secteur représente 3,7 millions d’emplois directs et rassemble 143 millions de coopérateurs
Dans le Monde (d’après un rapport des Nations Unies), de l’ESS et principalement des coopératives dépend la moitié de la population de la planète.
Seafrance
La société Seafrance est une SA filiale à 100 % de la SNCF qui se consacre au transport maritime entre Douvres et Calais. Au total 900 salariés dont 650 navigants. Son chiffre d’affaire s’élève à 222 M€. Cette entreprise est le premier employé de la ville de Calais.
Le transport transmanche sur cette ligne se décompose ainsi :
Sociétés/nature du transport | Eurotunnel et SNCF via Eurostar ferroviaire | P&O (britannique) maritime | DFDS (danois) maritime | Seafrance (France) maritime |
voyageurs nombre de passagers | 18,2 millions dont 9,5 par la SNCF et 8,7 par ses propres navettes | 7,4 millions | 2,5 millions | 3,8 millions |
Le fret (marchandises) en million de camions | 1,5 million | 1 million | 420000 | 711 000 camions +24 000 autocars +713 000 voitures |
Résultats d’exploitation de Seafrance ( source Les Échos) :
Année | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 sous audit |
millions d’€ | + 0,26 | +2,70 | -18,22 | -36,26 | -33,0 |
D’une part à partir du moment où le gouvernement a refusé d’investir aujourd’hui comme hier, directement et non, à travers les indemnités de licenciement et surtout en raison du fait que les navires, c’est-à-dire l’outil de travail, demeureraient la propriété de la SNCF et allaient être mis en vente, les conditions pour créer une Scop n’étaient pas réunies. La proposition gouvernementale apparaît ainsi comme une fois de plus un enfumage ayant comme but de montrer que les salariés au fond ne souhaitaient pas gérer collectivement une entreprise.
À titre d’illustration, le cas de la société Brittany Ferries
Cette société assure les liaisons transmanche entre la France, l’Angleterre et l’Irlande au départ de Roscoff, Saint-Malo, Cherbourg, Ouistreham.
Créée en 1972 par les coopératives agricoles bretonnes sous le nom de Bretagne, Angleterre, Irlande (BAI). Cette société de gestion est aujourd’hui une SA à capital de 22,8 millions € détenu par une société de participation financière SOPARFI (64,19 %), les CCI bretonnes (12,03 %) d’autres organismes financiers (10,74 %), la CRAMA (caisse de retraite et maladie des agriculteurs (4,61 %), divers (8,43 %). Elle réalise un chiffre d’affaire de 332,3 M€, emploie 2476 salariés, dont 1 600 marins.
Mais les navires sont acquis et exploités par des sociétés d’économie mixte (SEM) dans lesquelles les collectivités locales (conseil régional, départements) ont la majorité. Il existe 5 SEM (Senamanche, Senacal etc.). Elles acquièrent les navires soit par l’achat direct en empruntant, elles sont alors propriétaires, soit titulaires d’un crédit-bail auprès de groupements d’intérêt économique (GIE). Dans ce cas ces GIE achètent les navires et louent les bateaux aux SEM qui les louent à leur tour à BAI. L’amortissement des bateaux pour les GIE serait de 8 ans.
Ainsi les SEM, c’est-à-dire les élus locaux, ont un pouvoir de censeurs, d’orientateurs, etc. vis-à-vis de BAI. Ce qui signifie en clair qu’une grande partie de l’endettement de BAI se situe au niveau des SEM.
En conclusion, même si nous ne connaissons pas le plan d’affaires proposé par les salariés de Seafrance, le rejet de la Scop était logique. Scop ou d’autres solutions auraient pu être trouvées. Mais malheureusement nous assistons une fois de plus à l’abandon de notre tissu industriel et de service et au petit jeu que se livre ce gouvernement pour ridiculiser et soumettre les salariés.