Quelle est la justification de cet objectif ?
Il est toujours bon de rappeler que la sécurité sociale n’est pas en déficit mais que ses ressources sont insuffisantes. En effet au début des années 2000, la baisse du chômage avait permis d’équilibrer les comptes et aujourd’hui les économistes rappellent justement qu’une baisse du chômage de 1,5 millions permettrait d’annuler ce « déficit » du fait des rentrées de cotisations supplémentaires.
Les comptes de la sécurité sociale sont donc directement liés à la situation de l’emploi. Or depuis des années, les gouvernements successifs nous expliquent qu’il faut diminuer les « charges » des entreprises – c’est-à-dire les cotisations sociales – pour créer des emplois. Résultat, le chômage n’a cessé d’augmenter et les entreprises ont augmenté leurs marges, ce qui pourrait être un objectif si cela se traduisait par une augmentation des investissements, mais qui s’est en fait traduit par une augmentation des dividendes versés aux actionnaires.
Pour dénicher les raisons profondes de cette baisse des dépenses de santé remboursées par la sécurité sociale, il faut lire le dernier rapport du Medef sur ce thème. Il n’est pas question de baisser les dépenses de santé car elles participent à l’activité économique et à la production de richesses, et sont donc sources de profit. De fait la solution avancée par le patronat est limpide : ces 11 milliards devront être transférés sur les assurances complémentaires (en fait des sur-complémentaires et non pas la fameuse « mutuelle pour tous » chère à François Hollande) et sur le reste à charge des assurés.
Bref, un glissement progressif sur un système à l’américaine dont les conséquences sont redoutables pour la population avec un creusement massif des inégalités. Nos gouvernants devraient lire l’économiste de la santé Richard Wilkinson qui souligne preuves à l’appui que « les inégalités nuisent à tous, y compris aux plus aisés », notamment en matière de santé. Par ailleurs, le classement des USA en termes de santé de sa population confirme ce fait, puisque le pays le plus riche de la planète navigue vers la 35e place alors que ses dépenses de santé sont 50 % supérieures aux nôtres. Par contre les marchands de la santé se frottent les mains dans un secteur où les marges sont très importantes.
Les solutions proposées ne sont pas réalistes
Les solutions mises actuellement sur la table relèvent de la méthode Coué. Le meilleur exemple est celui de la chirurgie ambulatoire qui permettrait de faire soit disant 5 milliards d’économies. D’une part, la part de la chirurgie ambulatoire a déjà fortement augmentée dans de nombreux hôpitaux et les marges de progression sont donc faibles, d’autre part des gens aussi sérieux que les dirigeants de la Fédération hospitalière de France (FHF) avancent un chiffre de 500 millions d’euros d’économie au maximum. Par ailleurs, il faut savoir que si nous hospitalisons moins en chirurgie, il nous faut développer les services d’hospitalisation à domicile, fort coûteux par ailleurs, et que nous manquons de lits de prise en charge pour les personnes âgées.
De plus, l’argumentation pour l’hôpital est en contradiction avec le discours général du gouvernement qui avance la nécessité de réformes structurelles, alors que la solution actuellement mise en œuvre est celle des « coups de rabot » dans le domaine de la santé sans véritable stratégie d’ensemble. En effet, l’organisation de notre système de santé est en bout de course, avec d’un côté une médecine libérale avec une rémunération à l’acte et de l’autre côté un hôpital qui au fil du temps a été obligé de se substituer à la désorganisation du système, notamment au niveau des urgences. Sans remise à plat de cette organisation, les mesures n’atteindront pas l’objectif affiché mais par contre répondrons à celui qui semble caché par le gouvernement et préconisé désormais très ouvertement par le MEDEF: réduire le service public et la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie (dont les ressources sont progressivement asséchées part la fameuse « réduction des charges).
Quelles sont les alternatives ?
Au-delà d’une refonte de notre système de santé sur laquelle la CGT a avancé des propositions qui sont disponibles sur son site Internet, des mesures financières immédiates sont nécessaires.
Les premières mesures concernent les frais financiers des hôpitaux, étranglés par les banques commerciales qui leur ont notamment vendus des emprunts dits toxiques. La FHF chiffre le surcoût de ces emprunts à 1,5 milliards d’euros. Nous proposons de renégocier ces emprunts et non pas comme vient de le proposer le gouvernement d’attribuer une enveloppe prise sur le budget de la sécurité sociale pour payer les banques. Il n’est pas acceptable de continuer à payer des taux qui frôlent les 15 % pour abonder les bénéfices de ces dernières.
Le volume des emprunts hospitaliers atteint actuellement 25 milliards d’euros et la charge de remboursement est devenue intenable pour de nombreux établissements. Certains doivent être recapitalisés et les emprunts transférés auprès d’un organisme de financement public adossé à la Caisse des dépôts. Cette revendication n’est pas irréaliste, elle correspond juste à un retour en arrière de 25 ans avec une maîtrise par l’État de ses investissements.
Cette maîtrise est d’autant plus importante au regard des partenariats public-privé, comme celui de l’hôpital Sud-Francilien, qui a finalement été racheté après avoir grassement rémunéré la filiale du groupe Eiffage qui était le maître d’œuvre. De nombreuses opérations de ce genre doivent être dénouées pour ne pas grever les fonds publics pour les 25 à 30 ans à venir.
Alors que les exonérations de cotisations sociales pleuvent sur les entreprises, les hôpitaux sont eux lourdement ponctionnés. La taxe sur les salaires frôle aujourd’hui les 3 milliards d’euros. Est-il logique que l’État reprenne d’une main ce qu’il donne de l’autre ?
Par ailleurs, alors que de nombreuses entreprises bénéficient d’exonérations sur la TVA, les hôpitaux eux la paient plein pot sur leurs investissements.
Voici donc quelques propositions qui montrent que l’argent existe et que la saignée que le gouvernement veut imposer à l’hôpital relève bien d’un choix politique : il s’agit de faire basculer la partie rentable de notre système de santé vers le secteur marchand et de réserver la sécurité sociale et l’hôpital à la charité publique.