Le monde arabe est en pleine ébullition depuis plusieurs mois. Devenus le centre d’attention d’un monde qui l’avait ignoré jusque là, les pays que l’on a coutume d’appeler « arabo-musulmans » se sont soudainement réveillés depuis la mort du désormais célèbre Mohamed Bouazizi, qui ne fut que l’un des éléments déclencheurs d’une révolution qui bouillonnait déjà dans les esprits de pas mal de Tunisiens. Révolution tunisienne qui, comme le fit jadis la grande révolution de 1789, servit elle-même ensuite de phare guidant les pays avoisinants sous le joug de dictatures et de régimes religieux totalitaires. La chute du despote Ben Ali ne fit que raviver la flamme de ces peuples avides de liberté, entrainant la chute d’un deuxième dictateur, véritable frère jumeau du premier tant dans les idées que dans l’apparence, le dénommé Moubarak. Ces deux chutes créèrent une onde de choc sans pareille, provoquant séismes démocratiques, affolant tyrans et totalitaires et redonnant de l’espérance à des populations qui en manquaient cruellement.
Tel est en tout cas l’espoir des observateurs extérieurs dont votre humble serviteur fait partie. Néanmoins, un tel désir de démocratie, légitime pour un humaniste, ne peut pas non plus nous aveugler à un autre danger qui lui pointe son nez aussi dans le chaos actuel: celui de l’islamisme. Hélas, pour de nombreuses raisons trop longues à rappeler ici, et dont la responsabilité incombe aussi à l’Occident anciennement colonisateur, les démocrates laïques de ces mêmes pays, luttant avec opiniâtreté pour les droits de l’homme, la liberté et l’égalité, ont été depuis toujours enserrés dans un étau diabolique entre d’une part les dictateurs « laïques » et les islamistes de l’autre. Une situation infernale qui poussa certains à s’allier avec cette extrême-droite religieuse afin de combattre la dictature, et d’autres à s’y opposer avec fermeté comme le fit Saïd Saadi du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie algérien. Ennemi de la junte militaire, il ne put néanmoins se résumer à accepter l’avènement des islamistes du Front Islamique du Salut (qui à l’époque déclarait franchement sa volonté d’éradiquer la démocratie afin d’instaurer une théocratie islamique) au pouvoir et donc défendit l’arrêt du processus électoral en 1992. Il aura cette magnifique phrase pour expliquer sa décision: « l’intégrisme c’est comme la mort, on n’en fait l’expérience qu’une fois».
Il semble pourtant que dans la fougue et la vigueur des évènements récents, certains Occidentaux bien pensants ont oublié le danger de la menace intégriste. L’idée d’une participation au pouvoir de fanatiques voués à l’application d’une loi religieuse moyenâgeuse ne les fait plus frémir et, ignorant les évènements passés, s’aveuglant au passé et à l’histoire de certaines personnalités en vogue, se mettent à prêcher en faveur des islamistes prétendument devenus démocrates. Islamisme modéré, islamisme démocratique, et autres fadaises sorties de cerveaux vermoulus d’islamologues et de journalistes orientalistes sont les oxymores constitutifs d’un langage devenu à la mode. Balayant d’un tour de bras la condition misérable voire inhumaine des femmes, des homosexuels et des mécréants dans le projet politique des islamistes, des personnalités progressistes affichent une complaisance inouïe envers cette frange radicale de l’Islam, et c’est ainsi que l’on peut lire dans un journal comme Le Soir que « [l’islamisme tunisien] est l’un des plus tolérants de la région »(1)Le Soir édition du 13 janvier 2011.
Cet article va tenter d’expliquer un peu une partie de l’histoire de l’islamisme et la situation de 3 pays emblématiques, afin de démontrer non pas qu’il faille condamner ces révolutions mais bien garder une certaine vigilance laïque envers le fléau qu’est l’intégrisme religieux.
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Notes de bas de page
↑1 | Le Soir édition du 13 janvier 2011 |
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