Le 1er novembre 1954, les Algériens se sont soulevés pour se libérer d’un colonialisme barbare condamné par l’Histoire. Notre peuple attendait de vivre dans un Etat démocratique et social, garantissant la liberté de conscience et les droits humains.
Après des sacrifices hors du commun, l’Algérie arrache le droit à l’existence dans le concert des nations en écrivant l’une des pages les plus glorieuses de l’Histoire du vingtième siècle. Cependant la libération du territoire national n’a pas entrainé celle des citoyens. Le système politique instauré en 1962 a confisqué à son profit exclusif l’indépendance en s’arrogeant tous les pouvoirs.
Notre peuple voit son histoire trahie, sa mémoire mutilée et sa parole confisquée. Tortures, répression sanglante, assassinats politiques, fraudes électorales, corruption, misère sociale et arbitraire rythment le drame algérien depuis un demi-siècle. A l’horreur du terrorisme islamiste le pouvoir a répondu par « la politique de réconciliation nationale », niant l’exigence de justice et de vérité.
Réprimée et exclue de la vie publique, la collectivité nationale oppose une résistance multiforme. L’émeute devient de plus en plus la seule forme de revendication et la rue l’unique espace d’expression pour arracher ses droits. Notre émigration, fidèle à ses traditions de lutte, suit et relaie avec ferveur le mouvement de contestation nationale.
Désormais, le statu quo est impossible à tenir. Mis face à ses échecs et confronté à une pression populaire continue, le pouvoir illégitime, usé, divisé et discrédité, recourt, une fois de plus, aux subterfuges pour essayer de dévoyer, comme en octobre 1988, les aspirations profondes de la société à la rupture radicale avec le système.
Les évolutions nationales, régionales et internationales rendent illusoires toute initiative visant à dérouter la lame de fond qui secoue le pays du nord au sud et de l’est à l’ouest.
L’Histoire est en marche et l’Algérie ne peut faire exception. Le changement de système politique est impératif.
Pour y parvenir dans les meilleurs délais et de manière pacifique, des personnalités, des militants politiques ou syndicaux et des animateurs du réseau associatif ont pris une initiative : créer la Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie (CNCD) afin de répondre à la demande de changement de système politique qui ne saurait se confondre avec un changement dans le système.
Cette structure a lancé des actions qui ont mis à nu les manouvres du système et qui confortent au plan politique les revendications populaires s’exprimant chaque jour dans la rue et à travers toutes les catégories sociales, notamment la jeunesse, principale victime du système et acteur majeur des luttes populaires.
La CNCD appelle les forces politiques et sociales à fédérer leurs énergies pour s’inscrire dans la perspective d’édification d’une république démocratique et sociale. Ses principes fondateurs seront ceux de l’Etat de droit, garantissant le respect des libertés individuelles et collectives, la promotion d’une société civile active, la séparation et l’équilibre des pouvoirs, la séparation du politique et du religieux, l’égalité homme-femme, la reconnaissance et la promotion de l’algérianité par l’affirmation du caractère national et officiel des langues arabe et tamazight, la justice sociale, une répartition équitable du revenu et des richesses nationales et l’alternance démocratique au pouvoir.
Sur la base de ces principes, la CNCD, en concertation avec les autres forces du changement démocratique, propose :
1) Une conférence nationale qui aura pour mission de désigner un Conseil National de Transition Démocratique (CNTD).
2) Le CNTD sera composé de personnalités résolument engagées pour le changement démocratique. La durée de son mandat ne saurait excéder douze (12) mois. Ses membres ne pourront postuler à aucune candidature ou responsabilité après la phase de transition.
3) Le CNTD aura à :
- Dissoudre toutes les institutions élues.
- Nommer un gouvernement de transition pour gérer les affaires courantes.
- Engager le pays dans une refondation nationale dont la clé de voute sera la rédaction d’une constitution qui sera proposée au peuple algérien par voie référendaire.
4) Les priorités pour la reconstruction des autres institutions élues seront définies lors des conférences tenues sous l’égide du CNTD. Ces institutions seront issues d’élections balisées par un dispositif politique et juridique qui s’imposera à toutes les candidatures. La préparation et la mise en œuvre des consultations électorales devront se faire en toute transparence et sous une observation internationale obéissant aux règles qui ont présidé à tous les scrutins ayant suivi la fin des systèmes autocratiques,
5) Le CNTD mettra en place une commission indépendante qui proposera les modalités de restitution du sigle « FLN » à la mémoire collective. Cette commission aura aussi pour mission d’établir la vérité et la justice sur toutes les atteintes subies par les Algériennes et (les) Algériens depuis l’Indépendance.
6) Durant cette phase de transition, l’Armée et l’ensemble des services de sécurité seront placés sous l’autorité du CNTD. Ils auront pour mission la défense du territoire et du caractère républicain et démocratique de l’Etat.
7) L’Algérie démocratique et sociale inscrira son destin dans l’actualisation des principes fixés par la conférence de Tanger qui stipulait, dès 1958, que la fédération des Etats nord-africains est le parachèvement naturel des indépendances de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc ;
Cette plate-forme de la CNCD est ouverte au débat. La CNCD appelle la société et les forces fidèles à l’esprit de Novembre et de la Soummam et des luttes démocratiques depuis l’indépendance, à se rassembler pour le changement démocratique. C’est ainsi qu’elles pourront peser pour édifier une république démocratique et sociale.