Cet ouvrage, rédigé par Oliver Nobile avec la collaboration de Bernard Teper (1)Eric Jamet éditeur, 20 €. A commander sur la Librairie militante du Journal. devrait à n’en pas douter devenir un classique pour les militants et citoyens s’intéressant à la protection sociale et désireux non seulement de comprendre les « réformes » qui se succèdent depuis plusieurs années, mais aussi de connaître les mesures qui permettraient d’inverser la tendance actuelle.
L’une des qualités premières de ce livre, au-delà du fait que c’est un des rares ouvrages à traiter de l’ensemble du secteur de la protection sociale, est de s’adresser à un public très large, du néophyte jusqu’au spécialiste. En effet, l’effort de pédagogie qui est déployé dans l’ensemble des chapitres n’empêche pas les auteurs de rentrer dans des détails techniques, ce qui leur permet ensuite de présenter des propositions concrètes.
Traiter de l’ensemble du secteur de la protection sociale plutôt que d’un domaine en particulier permet rend d’autant plus efficace le « dévoilement » de la stratégie néolibérale à l’œuvre, celle-ci ayant pour unique but de transférer au secteur privé les 600 Mds € (montant des prestations de protection sociale versées en dehors de toute logique marchande) qui lui échappent aujourd’hui. En effet, dans une période où les perspectives de profit dans les secteurs habituellement investis par le capital, se font plus incertaines, il est insupportable pour ce dernier de ne pouvoir mettre la main sur cette manne. Comme le montrent les deux auteurs, les contre-réformes qui rythment l’agenda politique à un rythme de plus en plus fréquent, ont donc pour but d’organiser une privatisation rampante des secteurs les plus rentables de la protection sociale. L’objectif non avoué des fossoyeurs de notre dispositif de protection sociale est ainsi de privatiser les profits en proposant des assurances privées aux populations solvables et de socialiser les pertes, en laissant le soin à la puissance publique de s’occuper des plus pauvres selon la fameuse logique du « filet de sécurité » chère aux pays anglo-saxons.
Mais cet ouvrage n’en reste pas au stade de l’analyse et de la dénonciation. Pour chaque secteur de la protection sociale, des propositions argumentées et opérationnelles, voire très techniques, sont exposées. Ces propositions qui tordent le cou au « syndrome TINA », dont semble être frappé la majeure partie si ce n’est la totalité du PS, ne devraient pas manquer d’inspirer les acteurs politiques qui n’ont pas renoncé à réaliser le projet de ceux qui ont créé la sécurité sociale. Si certaines de ces propositions, peuvent être connues des militants qui s’intéressent à ces questions, d’autres le sont moins, à l’image de celle consistant à financer notre système de retraite à l’aide de nouveaux prélèvements sur le patrimoine immobilier (piste extrêmement logique puisque la constitution d’un patrimoine immobilier, rendue en partie possible par des dispositifs fiscaux dont les moins fortunés ne peuvent profiter, permet à leur détenteur de s’assurer une retraite plus confortable).
Bien sûr, on peut ne pas partager toutes les orientations préconisées par les auteurs ou du moins s’interroger sur certaines d’entre elles, mais elles ont le mérite de susciter le débat.
Ainsi, on peut être sceptique sur la modulation sectorielle des taux de cotisations, envisagée pour favoriser des secteurs d’intérêt général ou employant une main d’œuvre importante. En effet n’est-ce pas dévoyer la cotisation que d’en faire un outil d’aide à certaines entreprises ? Les néolibéraux ne risqueraient-ils pas, de plus, d’utiliser cette modulation pour rétablir les niches sociales ? Par conséquent, il serait peut être plus efficace pour accroître les ressources de la protection sociale et toucher les entreprises employant peu de main d’œuvre, d’envisager d’élargir l’assiette des cotisations sociales afin que ces dernières « frappent » l’ensemble de la valeur ajoutée.
Les spécialistes de la santé pourront pour leur part regretter que notre système soit vu avec une certaine bienveillance alors qu’il souffre de lacunes importantes (ne serait-ce qu’en matière d’inégalités sociales de santé, lesquelles ont toujours été élevées, ce qui montre qu’il n’y a jamais eu d’âge d’or) et qu’il est caractérisé par un gaspillage de ressources important (surcoûts lié à notre architecture assurance maladie/complémentaires santé, remboursements de médicaments inutiles pour soutenir certains industriels…). Les propositions tout à fait pertinentes qui sont faites dans ce chapitre auraient par ailleurs pu être complétées par une refonte du circuit du médicament.
Mais, comme cela a été dit, ces questions constituent une invitation au débat et ne remettent en rien en cause la qualité de cet ouvrage.
Notes de bas de page
↑1 | Eric Jamet éditeur, 20 €. A commander sur la Librairie militante du Journal. |
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