Les deux textes suivants sont dus à des militants syndicalistes SUD.
Passe ton bac… après ? faudra des sous….
Quand on parle de la reproduction des inégalités sociales, les commentateurs ciblent souvent l’école primaire, le collège, le lycée. Il y a sans doute beaucoup à dire et à lutter à ces niveaux. Mais les parents d’élèves qui ont eu leur bac savent bien que financièrement le plus commence. Quelques exemples tirés d’Alternatives Economiques de septembre 2016.
Ecoles de commerce
En moyenne, l’étudiant-e et sa famille devront débourser 35 000 € sur trois ans. Pour HEC, il faut compter 44 400 € sur trois ans… Il n’a jamais été aussi difficile pour les enfants des classes populaires d’entrer dans les écoles de commerce. Les solutions proposées consistent en prêts d’honneur ou à des tarifs auprès des banques… Comparaison n’est pas raison, mais on peut rappeler que la dette étudiante de 1 300 milliards de dollars aux Etats-Unis… Pour revenir à la France, une des autres solutions proposées est le cursus en apprentissage. D’un côté l’apprenti voit ses frais de scolaire pris en charge par l’entreprise, et l’école peut solliciter le versement de la taxe d’apprentissage auprès de ces entreprises. Pour autant, ces apprentis sont coupés de la vie sociale sur le campus, en particulier l’activité associative qui permet aux étudiant-e-s de constituer un « capital social », c’est-à-dire un réseau de relations utile tout au long de leur carrière. Ce réseau social est pourtant un des arguments des écoles de commerce. Ben là, on y est dans la reproduction des inégalités sociales, voire leur amplification. Mais là ce sont des écoles privées, on ne dit rien ?!
Etudes de médecine
L’exemple cité par Alternatives Economiques parle d’un cas récent de 327 étudiants reçus en 2ème année sur une cohorte de 2 300, soit 14, 21 % … Pour réussir le parcours du combattant-e-, les étudiant-e-s ont souvent intérêt à multiplier les cours dans des prépas médecine privées. Une pré-rentrée de 3 semaines peut coûter 1 185 €. Le reste de l’année, cela peut coûter 1 800 € par semestre…D’autres élèves choisissent « la prépa 0 ». Comme les étudiants ne peuvent se présenter que 2 fois au concours de PACES, cette « prépa 0 » leur permet de suivre le programme sans passer le concours. Ils/elles ne tenteront leur chance que les deux années suivantes (avec des prépas privées en plus des cours de fac). Cette « prépa 0 » coûte entre 4 000 € et 8 000 €…
Pas étonnant que dans cette voie, comme d’autres, de nombreux jeunes étudiant-e-s choisissent la Belgique ou les droits de scolarité sont plus modestes qu’en France.
Il y a quelques facs qui mettent en place un tutorat pour lutter contre ces prépas privées pour des prix de 43 €. Mais il n’y en a pas partout. Il serait temps de s’interroger sur ces études de médecine où l’intensité de l’apprentissage par cœur et la compétition féroce entre élèves. Est-ce bien cohérent comme formation à des métiers où les relations humaines sont fondamentales ? Une autre réflexion devrait aussi être menée sur le côté libéral des médecins, qui veulent bien s’installer en Côte d’Azur pour s’occuper des vieux bourgeois friqués, et qui désertent les zones rurales… Dans la mesure où les médecins sont de fait essentiellement salariés par la Sécurité Sociale, un « mouvement national des postes vacants (médecins partant à la retraite) » serait envisageable, avec des centres collectifs de soins. Centres existants déjà ici et là. En contrepartie des contraintes de ce mouvement, les médecins pourraient obtenir des garanties en matière d’installation, de salaires et de temps et de conditions de travail. Bon, je sais, je m’éloigne des sujets. Mais tout est dans tout, et réciproquement.
Des solutions
Combien d’étudiant-e-s échouent simplement parce que financer ses études en faisant un « petit boulot » à côté, limite le temps qui doit être consacré aux études. L’idée d’un revenu accordé aux étudiant-e-s, en, dehors de leur appartenance familiale leur permettrait de conquérir leur autonomie vis-à-vis de leur famille, sans hypothéquer leurs études.
Le nombre d’étudiant-e-s a considérablement augmenté, mais pas les moyens. Il faudrait donc donner aux facultés, aux IUT etc. beaucoup plus de moyens. Un système public gratuit de qualité est possible : il existe en Allemagne, mais sans les « grandes écoles » ! Grandes écoles qui non contentes d’être financées par l’Etat, comme toutes les écoles privées sous contrat, demandent jusqu’à 15 000 € par an. Inaccessible pour la plupart des enfants du salariat, sauf quelques boursiers. Mais là, remettre en cause les grandes écoles, c’est s’attaquer directement à un privilège que la bourgeoisie réserve à ses enfants. La lutte des classes, quoi ! Va valoir muscler notre jeu…
Le modèle Uber, l’avenir des salarié-e-s ?
« On le voit avec l’exemple qu’offre Uber dans la région parisienne : des gens souvent victimes de l’exclusion choisissent l’entreprenariat individuel parce que, pour beaucoup de jeunes aujourd’hui, c’est plus facile de trouver un client que de trouver un employeur » Emmanuel Macron – Le Monde 6 Janvier 2016-
Lors de ses conférences contre la loi travail, Gérard Filoche (inspecteur du travail à la retraite ; militant CGT etc.) citait pour exemple un chauffeur de taxi « Uber » avec qui il avait pu discuter. Certains ont parlé d’ « Ubérisation » de la société, pour annoncer la fin du salariat (et le retour du servage ?). Les conducteurs VTC sont souvent d’anciens élèves de nos quartiers « REP »… En ce sens cette question nous intéresse…
Alternatives Economiques publie régulièrement des enquêtes sur UBER et son monde. En voici quelques éléments.
Moins de 3 € de l’heure !
D’après les calculs faits par Alternatives Economiques, pour un chiffre d’affaires de 4 500€, soit 60 à 70 heures de travail hebdo, le chauffeur gagne 750€ s’il est locataire de son véhicule et 900€ s’il est propriétaire. En effet, il faut compter la commission à payer à Uber et co., la location ou l’amortissement du véhicule, le gazole, les frais d’entretien du véhicule, son assurance, les cotisations sociales, la comptabilité, les bouteilles d’eau, les frais de parking, les coûts liés aux pannes, aux rayures ou aux endommagements de véhicule…
Ceux qui pensent bien gagner leur vie confondent chiffre d’affaires et bénéfice.
Evidemment ce sont souvent des jeunes issus des quartiers prolétaires des banlieues qui sont ces chauffeurs VTC. La première année, ils bénéficient du dispositif ACCRE (Aide au Chômeur Créant ou Reprenant une Entreprise), qui leur permet de cumuler prestations et le revenu de leur activité la première année suivant la création de leur entreprise.
Certaines plate-formes contournent la nouvelle réglementation qui a durci l’octroi de nouvelles licences VTC en déclarant les chauffeurs comme salariés une à deux heures par jour, et de les utiliser le reste du temps comme auto-entrepreneurs.
Celles et ceux qui croyaient que l’auto-entreprise étaient un espace de liberté « être son propre patron » en sont pour leur frais. Les chauffeurs qui bossent pour la plateforme Le Cab doivent travailler avec une 508 Peugeot couleur gris Aria. LeCab dispose de l’exclusivité sur cette couleur auprès du constructeur…Certains chauffeurs ont été déconnectés d’Uber sans vraiment savoir pourquoi. Refus de certaines courses, acceptation d’espèces d’un client ?
Il y a un énorme turn over dans cette profession. Avec des jeunes qui viennent, prennent l’argent, ne déclarent rien et arrêtent au bout d’un an. Ce n’est pas sans danger, car avec les applications, tout est traçable. Le jour où l’administration fiscale aura accès aux données, cela risque de faire mal…
Rappelons qu’une partie de l’économie collaborative (sous-louer son appartement, faire le chauffeur en amateur, traduire des fragments de texte à la pièce) est peu ou pas soumise à l’impôt et aux cotisations sociales. Ce qui aura un impact négatif sur la protection sociale et la dynamique d’ensemble de l’économie.
Sinon, concrètement, il y a sans doute quelques applications à virer ou refuser sur nos téléphones portables…