Face à un mouvement réformateur néo-libéral utilisant successivement la droite néolibérale et la gauche solférinienne tout aussi néolibérale, la confusion règne. Une partie de ceux qui se disent adversaires du néolibéralisme de droite ou de gauche croient pouvoir le vaincre en ne globalisant pas les combats et en développant l’idée d’un consensus autour d’un socle limité de revendications pour, disent-ils, rassembler plus en rendant taboues toutes les idées qui fâchent. Ainsi ont fonctionné l’altermondialisme, les comités anti-libéraux, le Front de gauche et l’extrême gauche communautariste, entre autres. Le premier a perdu son caractère propulsif, les deux suivants ont explosé, la dernière se marginalise… C’est ce que nous appelons le processus de décomposition de la gauche de la gauche. Comme dans les années 30, cela a renforcé l’extrême droite nauséabonde. Bien sûr, les comportements qui en sont la cause sont multiples :
- Abandonner la classe populaire ouvrière et employée qui réagit en s’abstenant à 60 %, rendant tout processus de transition par les urnes illusoire.
- Croire que l’on peut faire l’économie de gagner la bataille de l’hégémonie culturelle via une éducation populaire refondée, pour aller plus vite vers la transformation sociale et culturelle.
- Croire qu’il est possible de gagner les grandes luttes sans refonder les organisations syndicales revendicatives et politiques elles-mêmes.
- Croire qu’on peut combattre le néolibéralisme en pactisant avec ses alliés indispensables (le communautarisme par exemple).
- Croire qu’il est possible d’aller vers un post-capitalisme en s’appuyant sur des thèses de l’adversaire (comme le revenu universel par exemple).
- Conserver des thèses qui ne fonctionnent plus dans un monde globalisé néolibéral (comme les politiques keynésiennes par exemple).
- S’imaginer que les gourous de l’école qui ont tué la pédagogie par le pédagogisme et le projet scolaire de transmission des connaissances par le socle de compétences peuvent être des alliés.
- Incapacité de comprendre que la Sécurité sociale peut-être une base d’appui d’un déjà là pour construire un modèle politique post-capitaliste.
- Difficulté de lier la résistance au projet néolibéral de tuer les services publics à la projection d’avenir de services publics refondés dans le cadre d’un modèle politique global.
- Incapacité de comprendre que, sans une vigoureuse politique de réindustrialisation de la France sur un mode de transition écologique, il n’y aura pas d’avenir social et politique face au mouvement réformateur néolibéral.
- Incapacité de lier nos projets de lois sur l’immigration avec ceux de lois sur la nationalité (comme pendant la Révolution française avec ses quatre modes d’acquisition de la nationalité).
- Difficulté à comprendre qu’il faut combattre le nationalisme et le communautarisme mais que les travailleurs ont besoin de la nation et de l’internationalisme.
Nous réaffirmons que l’entièreté des principes de la République sociale sont indispensables au processus de luttes victorieuses et au processus d’une révolution citoyenne. Aucun de ses dix principes (liberté, égalité, fraternité, laïcité, démocratie, solidarité, sûreté, universalité, souveraineté populaire, développement écologique et social) ne peut être écarté. Ils sont comme les doigts de nos mains. Lors d’un meeting ouvrier, Jean Jaurès expliquait que la bataille laïque de la séparation des églises et de l’Etat permettrait en fait de rassembler le prolétariat en évitant qu’il soit divisé entre catholiques et non catholiques. Les communautaristes de la gauche de la gauche n’ont pas encore compris que, pour l’avenir de la France, le communautarisme anglo-saxon est un puissant diviseur du prolétariat du pays. Ils oublient que le capitalisme et son mouvement réformateur néolibéral développent en même temps la dérégulation de l’économie, les délocalisations, les licenciements boursiers, la destruction de toutes les protections sociales et politiques mais aussi l’individualisation des citoyens sans protection en sous-traitant le lien social aux communautés ethniques et religieuses.
Voilà pourquoi les néolibéraux de droite et de gauche, mais aussi quelques municipalités dirigées par des élus de la gauche de la gauche, ont pactisé avec les communautarismes catholique, juif ou islamiste. Et tout cela est cohérent avec la loi El Khomri et toutes les lois qui ont attaqué la Sécurité sociale de 1967 à nos jours.
Voilà pourquoi il faut articuler le combat social et le combat laïque et plus généralement articuler les 10 principes de la République sociale pour retrouver le chemin de l’émancipation contre le néolibéralisme et contre l’extrême droite. Les communautaristes de la gauche dite radicale qui croient pouvoir faire l’économie de la lutte contre les obscurantismes religieux en viennent, contre leur gré, à aider à la survie du capitalisme en divisant le peuple dans sa lutte sociale et politique.