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« Projet Apache » : les ruses de Sioux de l’extrême droite

Aux oubliettes les crânes rasés et les slogans racistes. En recherche de médiatisation, la jeunesse d’extrême droite renouvelle le genre : slogans décomplexés, graphismes funky, et plan de communication léché. De quoi renvoyer le Front National et ses affiches « anti-minarets » dans la catégorie des détails de l’Histoire.

Depuis Janvier, d’étranges autocollants fleurissent dans les rues parisiennes : un Indien d’Amérique aux couleurs bleu blanc rouge se détache sur un arrière-plan composé de la cathédrale de Paris, du Sacré-Cœur et de la tour Eiffel. Un visuel inhabituel ponctué d’un slogan étonnant et signé par un mystérieux « Projet Apache » : « Pour ne pas finir comme eux ! ». Tous les ingrédients du buzz sont en place : une image à la mode, un message de teasing, et surtout une question intrigante : qui se cache derrière ce mystérieux Projet Apache ?

La deuxième vague d’autocollants est plus claire sur ses orientations politiques. Lancée en même temps que les affichages « anti-minarets » du FNJ (Front National de la Jeunesse), le nouvel autocollant représente une carte de France couverte du drapeau algérien appuyant un slogan plus agressif : « Wesh cousin, tu kiffes l’Algérie, Retournes-y ! ». Un lien vers le site projet-apache.com permet d’identifier l’origine de la campagne : les jeunes identitaires parisiens et franciliens.

Le vernis pop de l’extrême droite identitaire

Mais quel rapport entre le Bloc Identitaire, parti d’extrême droite à tendance régionaliste, et les Apaches ? Le manifeste du mouvement nous réserve une explication syncrético-pop de ce nom étonnant. Prenez « le livre Fight Club de Chuck Palahniuk […], les tribus Apaches des indiens d’Amérique […], et les Apaches parisiens », symboles de la pensées libertaire de la Belle Epoque, vous obtiendrez un argumentaire écolo et identitaire.

Pas de fumée sans feu. Cette campagne est la partie émergée d’un renouveau de l’extrême droite dans ses méthodes de communication envers les jeunes. « Nous pensons que le système a longtemps cantonné les jeunes patriotes dans une certaine sous-culture […]. À contre-courant, nous cherchons à créer une nouvelle esthétique, à investir massivement dans les nouvelles technologies, à explorer de nouvelles thématiques » explique encore le manifeste.

L’argumentaire politique passe désormais par le biais d’activités culturelles et festives comme les concerts du groupe de musique punk « Hôtel Stella », l’organisation d’une soirée de la Saint Patrick ou des formations aux usages militants du net. Formation mise à profit sur le site du Projet Apache où cohabitent pêle-mêle un lien vers le site de campagne « Une autre jeunesse », un encart vers le blog «Fromage Plus », et tout un attirail web 2.0, de la playlist IPache au compte Twitter.

Brouillage idéologique et ruses de Sioux

Cette nouvelle stratégie de communication s’appuie sur une tentative d’ouverture aux idées écologistes, antiracistes et anti-capitalistes dans une ambiance conviviale prônant la « dégustation collégiale de bières locales (Vexin ou Gatinais) le long d’un comptoir en zinc ». Le brouillage des pistes continue par la reprise de concepts habituellement avancés par des groupuscules d’extrême gauche. Allusions aux « minorités agissantes », à « l’aiguillon révolutionnaire », et aux idées anticapitalistes émaillent un discours saupoudré des citations écolos de Geronimo : « Quand le dernier arbre aura été abattu – Quand la dernière rivière aura été empoisonnée – Quand le dernier poisson aura été péché – Alors on saura que l’argent ne se mange pas. »

Folklore et activités festives sur fond de politique, une démarche empruntée aux Indiens d’extrême gauche, le collectif SCALP (Section Carrément Anti Le Pen) dont les Apaches reprennent les symboles et la devise. En effet, depuis sa création dans le giron du rock alternatif des années 1980, le SCALP développe une vision culturelle de l’action politique autours d’une idée simple : « Introduire de la réflexion dans la fête et beaucoup de fête dans la lutte. »

Guerre des gangs en terre de communication

Une manœuvre de diversion et de communication efficace pour le Projet Apache, représenté par une cinquantaine militants dont les références aux idées traditionnelles de l’extrême droite identitaire sont évidentes.

Le combat politique se porte désormais sur le terrain des héritages symboliques et des méthodes de communication. Dans la lettre ouverte du SCALP 87, une longue description des coutumes des Apaches anarchistes et romantiques du début du XXe siècle vient remplacer l’argumentaire politique pour aboutir à une constatation désabusée : « les identitaires et tous ceux qui à l’extrême droite essayent de s’approprier le nom de cette bande, de souiller sa mémoire, n’ont rien d’Apache. Néanmoins ils ont en commun la pratique : le vol de notre histoire et de notre héritage ».

Mais cette méthode est aussi le constat d’une faiblesse structurelle. Le blog Politrash se fait l’écho du malaise dans la jeunesse d’extrême droite : « Le seul credo des zids [identitaires], c’est la com’, la com’ et encore la com’. Certains appellent ça le combat culturel, d’autres se demandent quel intérêt ça peut avoir ».

En se cachant derrière un héritage rebelle et gauchisant, les identitaires en mal de notoriété dévoilent  leur incapacité à  porter un message cohérent, durable et approuvé par une partie de l’opinion. Une stratégie de communication attrayante et fuyante apparaît alors comme le seul moyen de faire passer un discours rejeté. Et la dernière vague de communication passée, les Apaches redeviendront citrouille.

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