La succession des meurtres de masse perpétrés par l’islamisme djihadiste en général et par Daech en particulier montre l’incapacité de l’offre politique française et internationale d’assumer ce nouveau type de guerre.
Pour l’extrême droite, pour les ténors de la droite et pour le gouvernement solférinien, il faut à chaque meurtre de masse un renforcement de l’état d’urgence et une nouvelle loi antiterroriste, inopérants, inefficaces et donc inutiles, ce qui a pour unique conséquence d’accélérer le déclin de la démocratie et le passage à la « démocrature ». Tout au plus pouvons-nous voir comme seule différence que les uns développent leur ultra-laïcisme anti-laïque et raciste et que pour les autres, il s’agit de se distinguer par une surenchère imbécile.
La partie munichoise de la gauche de la gauche demeure incapable de proposer un idéal au peuple puisqu’elle cultive en la matière le déni du réel. Comment peut-elle alors « partir du réel pour aller vers l’idéal » (Jean Jaurès) ? Si elle a raison de nous dire qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre l’islamisme djihadiste et la grande majorité des musulmans, encore faudrait-il qu’elle soit capable de nommer la menace car « mal nommer les choses ajoute au malheur du monde » (Camus). À chaque fois, la partie munichoise de la gauche de la gauche nous « bassine » avec l’idée que le ou les meurtriers ne sont que des déséquilibrés, des abrutis, des victimes du système et que cela n’a rien à voir avec l’islam. Il faudrait cesser ce « psychologisme » apolitique à deux sous. Même la revendication du meurtre de masse par Daech ne les fait pas changer d’avis. Pourtant de nombreux théologiens musulmans comme Soheib Bencheikh par exemple disent le contraire, à savoir que cela a à voir avec l’islam comme la Manif pour tous a à voir avec l’église catholique et que l’extrême droite juive en Israël a à voir avec le judaïsme !
Première règle : la bataille contre les extrêmes droites religieuses doit être menée par tous, athées, agnostiques et croyants de toutes confessions sans dédouaner l’extrême droite islamiste a fortiori djihadiste !
Oui, il faut voir les failles du dispositif de protection du peuple français. Ces failles sont de trois ordres :
- la faute du mouvement réformateur néolibéral,
- les failles du renseignement,
- les erreurs dans la chaîne de commandement des forces de protection.
La faute du mouvement réformateur néolibéral
Trois réalités donnent une responsabilité majeure au système néolibéral (voir l’article de J.N. Laurenti dans ce même numéro).
1. D’abord l’accroissement des injustices sans espoir d’en sortir crée un terreau favorable à l’embrigadement par une organisation proposant une vision du monde qui donne l’apparence d’être hors système .
2. Puis, les islamistes djihadistes ne survivent dans la société que grâce au terreau islamiste non djihadiste fortement implanté dans certains quartiers. Il faut non seulement comprendre qu’une grande majorité des personnes de culture musulmane sont victimes de l’islamisme djihadiste (et qu’il faut les protéger comme tout citoyen), que l’islam doit être distingué de l’islamisme, mais aussi comprendre que l’islamisme djihadiste a besoin de bases arrière qu’il ne trouve que dans les quartiers à forte implantation islamiste non djihadiste.
Or cet islamisme non djihadiste est le produit du système d’alliances entre d’une part les forces néolibérales de gauche comme de droite, mais aussi de la partie munichoise de la gauche de la gauche, et d’autre part les communautarismes y compris islamistes.
Développer ici ou là des taux de chômage colossaux, supprimer des services publics de toute nature, pratiquer des politiques clientélistes et maffieuses, et s’allier avec les islamistes non djihadistes, c’est favoriser le continuum entre l’islamisme non djihadiste et l’islamisme djihadiste, le premier servant de terreau au second.
3. En dernier lieu, et ce n’est pas le moindre facteur, le financement, la formation, le soutien logistique direct et indirect de l’islamisme sont réalisés par des pays comme l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie qui sont des alliés politiques, commerciaux et militaires des impérialismes occidentaux.
Alliés politiques d’abord : depuis des décennies, la France participe au soutien de l’Otan à la « ceinture verte islamiste anti-communiste ». Souvenons-nous dans les années 80 de l’appui aux islamistes d’Afghanistan tel Gulbuddin Hekmatyar, ou, dans les années 90, du soutien à l’UCK au Kosovo dont les formateurs étaient d’Al Qaïda, ou encore l’admiration envers les islamistes tchéchènes dont certains membres constituent aujourd’hui une partie de la direction de l’État Islamique… En ce mois d’août 2016 encore, la plupart des médias français soutiennent les « rebelles » à Alep en Syrie, composés à 95 % d’islamistes fanatiques de la pire espèce.
Alliés commerciaux et militaires ensuite : les pays du Golfe ont pris des participations, par l’intermédiaire de leurs « fonds souverains », dans la plupart des grandes entreprises françaises. Par ailleurs, les pétro-monarchies pro-islamistes ont acheté des centaines de propriétés commerciales, principalement à Paris (centres de conférences, palaces…). Par ailleurs le secteur de l’armement français, un des derniers secteurs industriels encore debout, vit essentiellement des ventes d’armes à ces régimes obscurantistes. Quelle indécence d’accepter de vendre à ces pays et d’affirmer vouloir combattre le terrorisme islamiste ! Quelle indécence aussi de soutenir en Syrie les rebelles du front Al-Nosra (qui dirige le front anti-Assad) alors qu’ils ont été pendant longtemps une filiale d’Al Qaïda. Etc.
La faute du renseignement
La fusion sarkozyste des services de renseignement au sein de la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur) devenue depuis DGSI (direction générale de la sécurité intérieur), laissé en l’état par le gouvernement solférinien, s’est révélée contre-productive. La disparition des Renseignements généraux (DCRG, direction centrale des renseignements généraux) handicape gravement le « renseignement de terrain », pourtant indispensable pour détecter les « radicalisations » au jour le jour et quartier par quartier.
Par ailleurs, le fait de ne plus tirer le bilan des échecs des directeurs centraux policiers et de leurs états de services enlève toute pression et pousse à la routine, alors même que la situation exige des hauts fonctionnaires initiatives, efficacité et courage dans la prise des décisions opérationnelles… au risque de perdre leurs postes !
De plus, « l’état d’urgence » n’a pas rempli sa fonction. Par exemple, le système actuel des fiches S pouvait être efficace il y a quelques décennies mais pas avec cette menace nouvelle. Ensuite, le suivi de terrain des islamistes djihadistes a été largement déficient.
Et au lieu d’ouvrir le débat et de faire une saine autocritique, suite aux conclusions fort sevères de la commission d’enquête parlementaire, le ministre de l’Intérieur a déclaré en juillet qu’il ne changera rien tellement cela fonctionne bien… après 240 morts et 500 blessés !
La faute de la chaîne de commandement
Depuis janvier 2015, pas un responsable politique gouvernemental, pas un dirigeant des services de sécurité (Police nationale, Gendarmerie…), n’a proposé sa démission devant l’incurie de l’action de leurs services sur le terrain . On apprend par exemple qu’au Bataclan la force militaire dite Sentinelle était présente sur les lieux avec des fusils d’assaut. Faute de directives de sa hiérarchie militaire et du ministre de la Défense, elle a refusé d’agir et même de fournir ses fusils d’assaut à la BAC, présente également sur les lieux et qui en avait fait la demande. On apprend que le conducteur du camion qui a perpétré le meurtre de masse de Nice a pu entrer sur le lieu de son forfait en passant sur les larges trottoirs de la promenade des Anglais
Cette chaîne de commandement (du gouvernement et de la hiérarchie policière) est aussi celle qui, pour déconsidérer le mouvement social anti-loi El Khomri, a donné des consignes pour le moins étonnantes dans la gestion des manifestations sur la voie publique. Trois syndicats de police (dont le syndicat de droite) ont critiqué la chaîne de commandement pour avoir laissé les casseurs tout détruire sur leur passage, sans doute pour faire des images pour la télé contre le mouvement social.
Que faire ?
L’intérêt des travailleurs et des citoyens est de mener le double front, d’une part contre le mouvement réformateur néolibéral et l’extrême droite (qui attend le moment de s’allier avec une partie de la droite néolibérale comme en Grande-Bretagne et dans plusieurs pays européens) et d’autre part contre le total-terrorisme islamiste qui, lui, est déjà largement financé, aidé, formé, par des pays du bloc impérialiste américain dont la France fait partie. C’est sur cette ligne de double front stratégique que se déploient dans le monde entier et particulièrement dans le monde arabe et/ou musulman les travailleurs et leurs organisations qui s’engagent sur le chemin de l’émancipation humaine. C’est d’ailleurs ceux-là qui ont des martyrs comme Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en Tunisie pour ne prendre que cet exemple ! Voilà pourquoi la construction d’une gauche de gauche qui tire le bilan de l’impasse la partie munichoise et communautariste de la gauche de la gauche est indispensable !
Hasta la victoria siempre ! Jusqu’à la victoire finale !