Retraites complémentaires 2 : Comment la CFDT veut les sauver

Dans le cadre de la négociation sur l’avenir des régimes de retraite complémentaire Arrco (ensemble des salariés) et Agirc (cadres) qui reprendront le 16 octobre, la CFDT a voulu proposer une alternative aux propositions patronales, faisant porter l’effort conjointement sur les retraités, les salariés et les entreprises (1)https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2015-09/argumentaire_cfdt_retraites_complementaires_2015-09-23_11-18-27_807.pdf. La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a salué ces propositions « constructives ». Voyons-y de plus près.

On ne s’étonnera pas que la CFDT s’arc-boute sur l’âge de départ à la retraite et, bien sûr, la défense de la Sécurité sociale paritaire. Mais, sous couvert de sauver les retraites complémentaires, la CFDT propose ni plus ni moins de les réduire, c’est-à-dire de casser du salaire socialisé. Avec ce syndicat “de gouvernement”, pendant syndical allié de la gauche “de gouvernement” dans la gestion capitaliste de la crise, la résistance des salariés n’est pas à l’ordre du jour .

– 1/ Dans un premier temps, jusqu’en 2019, pour contrer la proposition patronale d’abattements dégressifs et temporaires sur les pensions visant à pousser les actifs à travailler jusqu’à 65 ans, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, suggère de limiter la revalorisation des pensions à un montant inférieur à l’inflation (moins 1 % de celle-ci). Mais pourquoi pénaliser tous les retraités alors que la décote correspond bien à l’hypothèse des salariés partant avant l’âge légal de la retraite ? Dans le même temps, il est proposé de mutualiser les réserves des deux régimes Arrco et Agirc dès 2017 et d’ouvrir des négociations de branches pour redéfinir le statut de cadre.

– 2/ Car dans un 2e temps, la CFDT reprend sa proposition de régime unifié, avec une seule valeur de point pour l’ensemble des salariés. Le statut de cadre devrait être lié aux responsabilités et compétences plutôt qu’au rattachement à un régime de retraite. Mais qui va évaluer ces responsabilités et compétences ? Comment ? Il n’est pas sûr que cette individualisation des retraites complémentaires renforce les salariés.
Par ailleurs il est proposé une hausse des cotisations des entreprises de 0,1% de 2019 à 2021, ainsi que la création d’une contribution patronale en cas de licenciement ou de rupture conventionnelle concernant un salarié de plus de 50 ans. Alors qu’on sait bien qu’on n’a pas les moyens de l’imposer aux entreprises, ça s’appelle comment ?

– 3/ Last but not least, le syndicat propose d’instaurer de 2019 à 2024 (à partir de cette date, promesse de CFDT, tout ira bien, on pourra indexer les pensions sur la croissance…) une contribution de solidarité intergénérationnelle (CSIG) de 4 % pour tous les retraités pendant une durée égale à l’écart entre l’âge effectif moyen de départ à la retraite et l’âge d’équilibre du régime, soit une durée moyenne de deux ans. (Les retraités les plus modestes seraient exonérés de cette contribution ainsi que ceux ayant cotisé plus que la durée légale.) Faire contribuer les retraités, n’est-ce pas redistribuer la baisse des pensions ?
Alors « l’étatisation » des régimes complémentaires de retraite est-elle à craindre par-dessus tout ? D’une part, ne peut-on supposer que certains ne la combattent que pour sauver leurs places de permanents syndicaux ? D’autre part, comporte-t-elle nécessairement un recul sévère pour les assurés sociaux ?
On se souviendra aussi que à partir du moment où en 2000 ces régimes ont fait le choix d’entrer dans la logique du règlement européen de coordination au motif qu’ils sont obligatoires, rien ne s’oppose juridiquement à ce qu’on les traite au niveau européen au même titre que d’autres régimes publics et que l’État s’en mêle, ce que la Cour des comptes n’a pas manqué de faire remarquer (2)voir Fil social 20 septembre http://www.fil-social.com/rubrique39.html « 70 ans de la Sécurité sociale : un anniversaire sous haute tension » par François Charpentier. Avec le risque de plus en plus patent que les Français doivent accepter progressivement – pour les retraites comme en matière de santé – de se prendre en charge pour une part croissante de leurs dépenses de protection sociale !
Poser la question de l’étatisation, que ce soit pour en faire un épouvantail face à la cotisation, ou pour y voir l’acmé de la démocratie, n’a de sens que si on se demande : quel Etat dans quelle période historique ? Pour nous, il est clair que l’État aujourd’hui en Europe, pris dans les déterminations externes et internes des forces néolibérales, ne saurait légitimement incarner la cause des travailleurs. Reste à voir en quelles circonstances il constitue encore une protection. Ce n’est pas une pure question de théorie politique mais une question de stratégie militante à laquelle nous souhaitons réfléchir avec vous.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2015-09/argumentaire_cfdt_retraites_complementaires_2015-09-23_11-18-27_807.pdf
2 voir Fil social 20 septembre http://www.fil-social.com/rubrique39.html « 70 ans de la Sécurité sociale : un anniversaire sous haute tension » par François Charpentier.