Cet ouvrage de 139 pages publié par les Editions critiques (14 euros) est une bonne entrée pour toutes initiatives d’éducation populaire sur ces deux grandes révolutions (février 2017 marquait le centenaire du démarrage de la révolution russe).
D’abord Albert Mathiez (1874-1932) est un des grands historiens de ces deux périodes. Il fonde en 1907 la Société des études robespierristes, puis en 1908, le premier numéro des annales révolutionnaires qui deviendront les Annales Historiques de la Révolution française. Sa thèse centrale est que ces deux révolutions suivent le même schéma ce qui bien sûr va entraîner la fureur des intellectuels de la bourgeoisie radicale de son temps. Il montre argument à l’appui que l’action de Lénine s’effectue dans les pas de Robespierre. Mais cet historien ne transige jamais avec la vérité historique et avec ses convictions. De plus, il pratique aussi de temps à autre, le métier de journaliste notamment dans la période de la Révolution russe.
Cet ouvrage contient d’abord une présentation de deux historiens actuels sur l’engagement de l’historien qu’est Albert Mathiez, puis une succession d’articles de journaux de mars 1917 jusqu’en 1931.
Albert Mathiez entre au Parti communiste en 1920 pour en sortir à la fin de 1922 car il ne supportât pas que le parti communiste français soit dirigé de Moscou y compris pour le choix de ses dirigeants. Il devint l’intellectuel le plus précis et l’un des plus précoces dans son combat contre le stalinisme venant d’un historien favorable à la politique montagnarde en France et bolcheviste en Russie (tout du moins jusqu’à 1922). Le dernier texte qui critique la mise au pas des historiens russes refusant de soumettre la vérité historique à la direction stalinienne est brillantissime.
Revenons à la thèse historique d’Albert Mathiez. Il montre dans un article de 1920 que l’on retrouve dans le livre que même si le contexte et la période sont différents, il y a une analogie entre le jacobinisme et le bolchevisme, entre les montagnards et les bolchevistes, entre la Révolution française et la Révolution russe. Dans les deux cas, il justifie globalement leurs politiques qui poussent le processus révolutionnaire au plus haut possible dans la période en regard à la situation interne et externe des deux pays. Dans les deux cas, il estime que la force motrice initiale se trouve dans les mouvements populaires ce qui le situe à contre-courant des interprétations selon lesquelles les révolutions appliquent des théories via leurs dirigeants. Dans l’article intitulé « Comment les révolutions débutent » écrit pour l’Humanité en août 1921, il écrit : « les révolutions ne sont pas l’œuvre des chefs… Les révolutions se déclenchent toutes seules. Elles déconcertent par leur soudaineté… Les chefs n’apparaissent et n’exercent sur elles leur action qu’une fois qu’elles ont éclaté. » Voilà une thèse que nous avons dans journal Respublica. Voilà une thèse que je défends dans le film de Marie Pialat « Peuple et pouvoir » !
Un des articles du livre intitulé Le bolchevisme est-il démocratique? écrit en septembre 1920 mérite particulièrement d’être lu pour en débattre ensuite dans une initiative d’éducation populaire !
Quel plaisir aussi de lire dans l’article « L’enseignement des révolutions » écrit pour le journal l’Humanité en janvier 1921 que « les seules révolutions qui méritent leur nom, les seules qui valent d’être tentées sont… celles qui ont pour objet un transfert de propriétés ». Thème repris dans le livre Penser la République sociale pour le 21ème siècle.
Ensuite, des articles montrant que notre historien journaliste analyse les conséquences géopolitiques des attitudes occidentales, et les conséquences pour les pays européens de la prescription impérative et subite de la tactique du front unique par la 3e Internationale.
Tous ceux qui sont attachés à la lutte sociale et politique doivent d’abord lire ce livre, puis organiser une initiative d’éducation populaire sur ces thèmes.