Au lendemain de la révolution, l’université se débarrasse de la présence de la police. Comme les doyens, les directeurs des établissements universitaires sont désormais élus. Cette avancée vers l’autonomie institutionnelle est cependant subvertit : alléguant l’indépendance de l’université, le Ministère de l’enseignement supérieur se soustrait à toute responsabilité et abandonne l’administration de l’affaire du niqab qui sévit dans les établissements universitaires, tout au long de l’année universitaire 2011-2012, aux doyens et aux directeurs des instituts d’enseignement supérieur.
En effet, dans les institutions tunisiennes d’enseignement supérieur, des groupes intégristes, parfois totalement étrangers au milieu universitaire, tentent d’imposer, par la force, et dans le déni de toutes les règlementations académiques, leur présence tapageuse. Rassemblement, exhibition du drapeau noir, sermons et prières collectives amplifiés par des hauts parleurs visent à perturber les cours et à signifier la conquête de l’université par les groupes dits salafistes.
Plusieurs universités tunisiennes souffrent de l’incivilité et de la violence de ces groupes intégristes. Mais, c’est la Faculté des lettres et des sciences humaines de la Manouba (FLASHM), dont le doyen et le conseil scientifique ont adopté une position sans équivoque en interdisant l’accès des salles de cours et d’examen aux étudiantes portant le voile intégral, qui fait l’objet d’exactions continues et sans précédent dans l’histoire de l’université tunisienne. Malgré les actes de violence répétés, la police n’intervient pas ; le Ministère de l’enseignement supérieur saisit le Tribunal administratif.
Devant le refus du doyen Habib Kazdaghli et du conseil scientifique de céder à leurs diktats et face à leur volonté d’appliquer la loi, en traduisant les fauteurs de trouble devant le conseil de discipline, un groupe d’intégristes s’arroge le droit d’interrompre le bon déroulement des cours. Le 6 mars 2012, le doyen est agressé dans son propre bureau dont une vitre de son bureau est brisée au moyen d’une grosse pierre. ; deux étudiantes en niqab forcent sa porte, dérangent ses papiers, en déchirent quelques uns, et l’accablent d’injures
Bien que l’interdiction d’accès des étudiantes en niqab aux salles de cours et examen soit entérinée par le Tribunal administratif, le Ministère de l’enseignement supérieur n’apporte pas son soutien au doyen Kazdaghli et va jusqu’à lui imputer l’entière responsabilité des nombreux incidents de la FLASHM.
Habib Kazdaghli porte plainte contre les deux jeunes filles qui ont assailli son bureau et c’est pourtant lui qui comparait le 5 juillet 2012 devant le tribunal de première instance de la Mannouba sous le prétexte qu’il aurait giflé l’une d’entre elles. La traduction du doyen devant les tribunaux est perçue comme une offense à l’ensemble du corps enseignant. L’émotion est grande dans les milieux universitaires. Personnalités nationales et société civile se mobilisent. Devant le Tribunal, plusieurs centaines de personnes attendent le verdict. Un non-lieu, de toute évidence. Mais, fait imprévisible et scandaleux, le procès est reporté au 25 octobre et, pire encore, le délit est requalifié. Habib Kazdaghli doit désormais répondre d’un « acte de violence commis par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ». Il risque, pour avoir voulu appliquer lois et règlements, d’être condamné à 5 ans de prison.
L’affaire du niqab est de toute évidence une affaire politique, un moyen d’attenter aux libertés académiques et d’écarter un doyen dont les choix politiques et la formation intellectuelle ne pas sont faits pour plaire aux islamistes. L’objectif de cette machination est de parvenir à l’accuser d’une faute professionnelle assez grave pour justifier l’interruption de son mandat de doyen élu.
Le caractère inédit de ce procès révèle que le texte juridique ne suffit pas à lui seul à protéger les libertés : l’interprétation des lois peut leur donner en effet une souplesse qui autorise toutes les dérives, comme le prouve la requalification des faits qui sont reprochés à Habib Kazdaghli.
Le procès du 25 octobre 2012 est le procès des libertés, il annonce la mise à mort de l’université et une année universitaire tendue. Aussi la défense du doyen de la FLASHM s’impose-t-elle aujourd’hui à l’ensemble de la société civile. Un terme doit être mis aux poursuites injustes et diffamatoires exercées contre Habib Kazdaghli.
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J’ai joint à ce texte une pétition de soutien au doyen Kazdaghli, rédigée en plusieurs langues. Cette pétition ne doit pas être signée par des Tunisiens. Faites-la circuler, stp. Plus le soutien international est grand et moins le doyen Kazdaghli risquera d’être injustement condamné.