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Une proposition bien peu étayée ! Pierre Gattaz Président du Medef : « Pour un système des retraites sans dogme, introduisons une dose de capitalisation »

Dans l’article qui suit, Pierre Mascomère démonte l’argumentation de Pierre Gattaz, nouveau président du Medef, qui reprend l’antienne du besoin de capitalisation pour « stabiliser » et « pérenniser » le système de retraites par répartition. L’argument de base implicite de P. Gattaz est que dans un système de répartition, les actifs paient les retraites de leurs contemporains, tandis que dans un système de capitalisation, ils paieraient pour eux-mêmes, que leur retraite serait une sorte de salaire différé mis en réserve dans une cagnotte. Cette idée, trop largement répandue, est totalement fausse, car le revenu ne se transmet pas dans le temps : dans un système de capitalisation, les placements sont dépensés en achats de titres (actions, bons du Trésor, etc.), titres qu’il faudra vendre au moment de la liquidation de la retraite : ce sont bien les actifs qui, en achetant ces titres, paieront les retraites du moment. La seule différence entre répartition et capitalisation est le mode d’acquisition des droits, dont dépend qui va payer, le salarié ou l’employeur. En effet, remplacer la cotisation sociale patronale par l’assurance du salarié à un fond de pension, revient à remplacer une partie du salaire socialisé par une dépense de salaire : le fond de l’affaire est la volonté de rogner la redistribution afin de diminuer encore la part salariale dans la valeur ajoutée et augmenter ainsi le profit. Suivant l’argumentation néo-libérale classique, P. Gattaz prétend que le chômage résulte de coûts salariaux excessifs et que la socialisation des revenus bloque l’activité, ce qui fragilise le système de protection sociale par répartition ; PM montre que techniquement c’est une mystification.
NDLR

I) Evolution de l’espérance de vie et retraite par capitalisation

Pierre Gattaz (1)cf. la tribune publiée de Pierre Gattaz intitulée « Pour un système des retraites sans dogme, introduisons une dose de capitalisation«   parle de l’augmentation de l’espérance de vie et de l’augmentation du taux des cotisations au Régime général ( de 8,5 % en 1967 à 16,85 % en 2013). Il rejette toute nouvelle augmentation du taux de cotisation, mais propose l’introduction d’une dose supplémentaire de capitalisation qui permettrait, selon lui, de « stabiliser » et de « pérenniser » le système.
Il faut sans doute mettre à part le fait -extraordinaire- que l’introduction d’une dose de capitalisation se ferait donc sans nouvelles cotisations et que ce serait ainsi une manne qui tomberait du ciel !
Mais quel est le coût et surtout l’évolution du coût d’une rente en capitalisation ?
Sans remonter à 1967, une rente de 1€ servie à partir de l’âge de 60 ans, sans faire intervenir aucun taux d’intérêt, valait dans les années 1980 : 21,3€. Cette même rente, dans les mêmes conditions, valait 29,6€ à la fin des années 1990.
Avec les taux d’intérêt admis et les pratiques alors habituelles des assureurs, la valeur de cette rente est de12,5€ dans les années 1980 et 21,6€ à fin des années 1990.
Une rente viagère tient bien sûr compte de l’espérance de vie des individus et son coût dans le temps suit l’évolution de cette espérance de vie. Les tables de mortalité ou de survie ont évolué…Pierre Gataz parlait de l’évolution du taux de cotisations du régime général
La proposition de Pierre Gattaz d’introduction d’une dose de capitalisation dans le système de retraite semble donc bien peu étayée.

II) Pierre Gattaz parle de l’évolution du nombre d’actifs et du nombre de retraités depuis 1960 et les prévisions pour 2040.

a) Un régime de retraite par répartition est géré non pas en regardant, pour l’année, le nombre d’actifs cotisants et le nombre de retraités mais en équilibrant les flux des cotisations et des prestations sur 10, 20 et 30 ans. Ainsi dès 1972, l’Arrco intégrait dans ses calculs les futurs retraités issus du baby boom, retraités dont on pouvait prévoir le nombre avec une très grande précision. C’était important car ils formeraient une « bosse »dans la pyramide des âges. « Bosse » bien connue depuis le début des années 70 ! Car la démographie, (surtout les actifs et les retraités) est tout à fait prévisible sur 10, 20 ou 30 ans. Ce n’est assurémment pas le cas des marchés financiers ! Et la capitalisation repose en large part sur ces marchès financiers.
Au demeurant, le nombre de jeunes de 0 à 20 ans est en constante progression et induit une démographie très favorable pour la France. Ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne !
Certes ce qui est difficilement prévisible est le chômage tant des jeunes que des salariés déjà cotisants, ce qui a une incidence très forte sur les cotisations à recevoir. Au fait Pierre Gataz ne dit aucun mot sur la crise financière et sur ses conséquences en terme d’emplois. Aucun mot sur le caractère conjoncturel (la crise) ou au contraire structurel -la démographie- des déficits, ce qui conditionnerait logiquement le type de solution. Un oubli sans doute. Rappelons que l’Arrco est en équilibre structurel (cf les études du COR) et que seule la crise et ses conséquences déséquilibrent ce régime.

b) Mais M. Gattaz propose l’introduction d’une dose supplémentaire de capitalisation qui permettrait donc selon lui de « stabiliser et de « pérenniser » le système.
Il n’est pas très difficile de montrer qu’une augmentation du nombre de retraités par rapport au nombre d’actifs provoque une stagnation voire une décroissance de la valeur des « actifs » financiers par simple jeu de l’offre -les retraités par exemple- et de la demande-les actifs. Les « actifs » cotisants et les « actifs » financiers le mot est le même dans la langue française et pour cause….
Il suffit de voir le marché immobilier en Allemagne, atone, où le nombre de jeunes est en décroissance, de voir la valeur des actifs au Japon,de voir le souci constant de cet aspect qu’ont les gestionnaires sérieux de Fonds de pensions aux Etats Unis etc…
La proposition de Pierre Gattaz est bien peu étayée.

III) M. Gattaz indique que toute augmentation de cotisation détruit des postes de travail et nuit à l’emploi, donc aux systèmes de retraite.

C’est l’investissement qui est créateur d’emploi et le taux d’investissement en France ne dépend manifestement pas de la hauteur des marges des entreprises, marges qui ont d’abord servi à augmenter énormément au cours des années les dividendes servis…au détriment de l’investissement possible et donc de l’emploi. (tableaux Insee entreprises non financières)
Mais Pierre Gattaz propose l’introduction d’une dose de capitalisation. Il y a alors au niveau des cotisations comme on l’a déjà vu, une contradiction.
La proposition de Pierre Gattaz n’est pas très étayée.

IV) Pierre Gattaz met en cause des « avantages » de certains salariés relevant de régimes de retraite dits spéciaux.

Il faut sans doute mettre à part cette curiosité de s’attaquer à des « privilégiés » aux petits salaires alors que l’on défend sans cesse les « avantages » salariaux et autres de dirigeants patronaux. Pour évaluer le « coût » d’ un salarié ou pour évaluer un poste de travail, il faut considérer non pas le seul « salaire » perçu mais l’ensemble des « avantages » dont bénéficie ce salarié (retraite supplémentaire ou avantage particulier de retraite, plan d’épargne d’entreprise, actionnariat salarié, jours de congés, avantages spécifiques de certains comité d’entreprise etc..).
Le « revenu global » est le seul élément fiable de comparaison des « salaires ». Et ces calculs (benefits….) sont une spécialité de certains cabinets d’actuaires…de même que le calcul des retraites chapeaux de dirigeants d’entreprises.
La proposition d’introduire une dose de capitalisation ne semble pas en rapport avec cette remarque.

Cette proposition de Pierre Gattaz est finalement bien peu étayée. Il faut souhaiter que le Medef traite de ce sujet en évitant tout dogme et en regardant les chiffres et les données.

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