Après l’article paru dans le numéro 660 de votre journal ReSPUBLICA, une nouvelle accélération a eu lieu. Ce n’est plus seulement les pays du Sud de l’Europe qui sont touchés, mais les trois principales banques françaises (1)BNP, Société Générale et Crédit Agricole. Elles avouent posséder des créances sur la Grèce de respectivement de 5 milliards, 2,7 milliards et 600 millions d’euros. Mais combien sur le Portugal, l’Espagne et l’Italie ? Sans doute des dizaines de milliards au moins.
Car bien évidemment, ces banques n’ont gagné dans un premier temps de l’argent — sur le papier — qu’en spéculant sur les dettes souveraines des pays du Sud. Les apprentis sorciers que sont les dirigeants de ces banques, mélangeant allégrement le dépôt et la banque d’affaires, n’ont pas prévu la possibilité d’un défaut partiel de paiement de la Grèce… pour commencer le festival. Il n’est d’ailleurs même pas sûr que les CDS (2)Credit Default Swaps, sorte de réassurance qui pourrait aussi être en défaut !, dernière sécurité du système, puissent fonctionner !
Il faut en déduire que les « crashs-tests », qui ont soi-disant vérifié la solidité des banques, sont en fait des assurances « pour gogos en péril ». D’abord, car cela a fonctionné avec la méthode Coué, mais aussi parce que n’a été vérifié que le solde des capitaux propres et des dettes et non le solde de leur liquidité à savoir le solde courant des recettes et des dépenses augmenté d’une étude des emprunts et des ressources qui tiennent compte des possibles ou probables défauts de paiement.
De plus, les nouvelles règles bancaires dites « Bâle III » qui demandent une recapitalisation des banques avec des ratios plus contraignants sont déjà contestées par des banques étasuniennes et le désaccord est flagrant à la Banque centrale européenne (BCE) dans l’opération de rachat des titres aux banques. Il est probable que les banques tenteront d’utiliser l’effet levier en empruntant notamment à la BCE, mais pas seulement pour éviter la chute. Mais cet effet levier peut se retourner contre eux ou ne faire que reporter sur la BCE et la mutualisation européenne la dette souveraine des États et des banques. Bref c’est le jeu « de la patate chaude ». Donc pour l’instant, nous ne pouvons conclure qu’à l’approfondissement de la crise en attendant pire demain.
Les partis politiques de gauche en retard d’un métro sur l’état de la crise
Relisez les programmes et les discours des partis et de leurs dirigeants français et analysez la situation économique et financière et sa crise systémique, voilà un exercice salutaire. L’extrême droite tente comme dans toute crise profonde de développer sa ligne réactionnaire et nauséabonde. La droite, aux abois, tente avec des rustines de plus en plus couteuses pour les couches populaires (53 % de la population) et les couches moyennes intermédiaires (24 % de la population) de colmater les brèches produites par leurs politiques depuis près de 30 ans. La gauche ordo-libérale joue au jeu de la « patate chaude » décrit ci-dessus : ils préconisent de renvoyer cette dette sur une mutualisation européenne (3)les fameux « eurobonds » des écologistes et du PS. Et après, à qui pensent-ils donner « leur patate chaude » ? À l’ONU ? Au FMI ? À une association multilatérale interstellaire ? Disons-le tout net : les programmes votés par les partis sont sur ce point déjà obsolètes ! Quant à la gauche d’alternative qui part pourtant d’une analyse plus juste de la crise systémique, on ne l’entend pas beaucoup ni par ses candidats ni par ses organisations politiques alors que le feu arrive dans la maison.
Bien évidemment, la situation demande une réaction de temps court basé sur la nécessité d’un audit de la dette afin d’en déclarer une partie illégitime, de changer les statuts de la BCE pour qu’elle soit dans la possibilité d’acheter au moment de leur émission les titres émis par les États, de taxer les transactions financières et d’engager immédiatement une réforme fiscale en durcissant la progressivité de l’impôt voire aussi d’engager une progressivité de la cotisation sociale elle-même et d’engager une politique de grands travaux répondant aux intérêts des peuples à commencer par les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires.
Mais cela ne suffira pas, car les politiques keynésiennes ne peuvent pas régler le problème dans le temps long depuis le début de la mondialisation néolibérale et surtout depuis le début de la dernière phase du capitalisme à savoir celle du turbocapitalisme. Donc il faut engager aussi une politique de temps long en envisageant un nouveau mode de production et une nouvelle formation sociale qui pour nous doivent se construire autour du modèle politique de la République sociale avec ses 4 ruptures et ses 10 principes. ReSPUBLICA reviendra sur ce projet.
Et pendant ce temps-là, que font nos élites ordo-libérales ?
Le gouvernement décide de lutter contre les cigarettes illégales ! La judiciarisation de la politique bat son plein ! Les dénonciations sur les financements occultes anciens et actuels de la politique fusent ! Le débat entre la droite d’une part et le PS et les écologistes d’autre part tourne autour de savoir si « la règle d’or » de l’austérité doit être votée aujourd’hui (UMP) ou l’année prochaine après les élections (la gauche et les écologistes) : c’est une honte ! Aucun média ne demande aux principaux candidats socialistes d’expliquer le retour de la retraite à 60 ans avec l’acceptation d’une augmentation constante de la durée de cotisation ? Notre confrère « Le Kanal » nous fait remarquer que « les Allemands font encore mieux : c’est ensemble que la CDU, le SPD et les Verts votent en faveur des mesures d’austérité quand le groupe socialiste au Bundestag invite Jacques Delors pour l’ouverture des débats. À l’Est du Rhin, le père, à l’Ouest la fille. Cela nous change. » Bien vu, non ?
Et pendant ce temps-là, on apprend que le nombre de pauvres a augmenté de 337.000 personnes entre 2008 et 2009, pour atteindre le chiffre de 8,17 millions de personnes, que le nombre de refus d’accès pour cause financière à la cantine scolaire augmente, que la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles augmente, que le nombre de décès dus au travail augmente, que la croissance des inégalités sociales scolaires et de santé s’accélère, que le besoin de logement social devient criant, que le chômage est en augmentation, que les élites gagnent de mieux en mieux leur vie, que 104.000 places de maternelle ont disparu depuis dix ans, etc.
La question devient : est-ce que l’indignation est aujourd’hui suffisante ?