Ce film de Gilles Perret « La Sociale. Vive la Sécu ! », dont la sortie nationale en salles aura lieu le 9 novembre 2016, est un excellent support d’éducation populaire.
Il retrace l’épopée de la création de la Sécu en 1945-46, en rendant ses lettres de noblesse à la responsabilité collective dans la concrétisation de cet acte social. Par la suite il démontre sa fragilité actuelle et la nécessité de la défendre et en même temps de la refonder.
Déjà programmé dans plus de 200 villes avec plus d’une centaine de séances débat prévues, un débat sur ce film est le moyen de commémorer les 70 ans de la Sécurité sociale oubliés par la plupart des organisations sociales et politiques alors que ce fut la proposition la plus avancée du programme du Conseil national de la Résistance.
De la démocratie sociale vers l’étatisation puis la privatisation
La Sécurité sociale fut un service public original et indépendant de l’Etat, directement géré par les représentants élus des assurés sociaux lors des élections générales de la Sécurité sociale. Elle fut fondée comme une Institution du droit social par cinq grands textes : les ordonnances des 4 octobre (qui prévoit un réseau coordonné de caisses se substituant à de multiples organismes) et 19 octobre 1945 (concerne les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès) et les trois grandes lois d’Ambroise Croizat des 22 mai (pose le principe de la généralisation de la sécurité sociale à l’ensemble de la population mais les professions non salariées s’y opposeront), 22 août (étend les allocations familiales à pratiquement toute la population) et du 30 octobre 1946 (précise les modalités de fonctionnement du système de réparation des accidents du travail à la Sécurité sociale). Son financement fut prévu par la cotisation, prélèvement sur la valeur ajoutée dès la création de richesse. Elle assura le remplacement de la charité par la solidarité : à chacun selon ses besoins, chacun contribuant selon ses moyens.
Tous ces principes constitutifs ont été depuis détruits par touches successives, d’abord par l’étatisation : décret du 12 mai 1960 (augmentant les pouvoirs du directeur nommé par l’Etat), les quatre ordonnances Jeanneney du 21 août 1967 (qui met fin à la démocratie sociale par la suppression des gestionnaires élus qui représentaient alors 75 % des conseils d’administration), par la fiscalisation via la CSG instituée par la loi de finances du 28 décembre 1990 et du plan Juppé qui entre en application en 1996 et finalise l’étatisation de la Sécurité sociale.
Mais le processus d’étatisation n’était que le préalable au processus de la privatisation qui fut engagée en 1983 (forfait hospitalier), par la création de la Cades institué par l’ordonnance du 24 janvier 1996 pour financer la dette sociale via les préteurs privés, par la transformation en 2001 de l’ancien Code de la Mutualité par un code assurantiel, par la réforme Douste-Blazy de 2004 supprimant les conseils d’administration remplacés par des conseils avec des pouvoirs très limités et créant l’Union nationale des organismes complémentaires à la sécurité sociale (UNOCAM) pour rassembler les mutuelles avec les institutions de prévoyance et la branche assurantielle du Medef, par le financement des hôpitaux par la tarification à l’activité (T2A) à partir du Plan Hôpital 2007 en 2003 et mise en place par les ordonnances de 2005, par la loi HPST dite Bachelot en 2009 transformant l’hôpital en hôpital-entreprise autour du directeur nommé par la nouvelle Agence régionale de santé(ARS) elle-même émanation verticale de l’appareil d’Etat, par la nouvelle définition du service public hospitalier de Marisol Touraine, par l’institutionnalisation et le développement des dépassements d’honoraires, etc.
Alors que le budget de la Sécurité sociale est le premier budget humain en dépassant les 460 milliards d’euros, que l’ensemble de la protection sociale pèse plus de 660 milliards d’euros – soit bien plus que le budget de l’Etat (340 milliards d’euros) – peu de débats citoyens organisés par les organisations syndicales, associatives et politiques. Alors que pris globalement, c’est la première préoccupations des salariés avec le chômage et la précarité. Cherchez l’erreur !
C’est avec des ciné-débats autour d’un tel film que nous commencerons à relever le gant pour bien comprendre le passé, analyser le présent et pouvoir alors construire l’avenir et l’espoir correspondant. Nos amis du Réseau Education Populaire (REP), partenaires de l’équipe du film pour l’animation des ciné-débats sont à votre disposition. Vous pouvez aussi passer par la rédaction de Respublica.
Partenaire du film, l’UFAL a produit un clip vidéo très pédagogique : à utiliser sans restrictions !