NDLR – Cet article a été publié dans une version courte par l’hebdomadaire Marianne.
« Nous sommes en guerre ». Le Président de la République, M. Emmanuel Macron, l’a répété sept fois lors de son allocution solennelle, sinon sépulcrale, du 16 mars 2020. En guerre, certes, mais reste à définir l’ennemi. Nous avons bien compris que l’ennemi désigné par le pouvoir était invisible, viral, comme l’est le terrorisme islamiste. Rien de tel qu’un ennemi invisible, menant une guerre asymétrique, pour faire taire les désaccords, de plus en plus nombreux, et unifier la Nation autour de son Chef, aux accents gaulliens. Certes, on pourra juger que la prestation frisa le ridicule. Ni l’âge, ni l’uniforme, ni le passé résistant ne venaient conforter ce discours martial. Le tragique de l’époque vient de ce décalage entre des rôles définis dans des périodes héroïques d’un côté, leur occupation par des hommes finalement triviaux de l’autre : un héros national ne peut être un homme qui incarne à l’état chimiquement pur le conformisme intellectuel et politique d’un néolibéralisme agonisant. Et, comme si cette dissonance ne suffisait pas, nous apprenions, dans une interview proprement stupéfiante publiée par le quotidien vespéral1, que l’ancienne ministre de la Santé, Mme Agnès Buzyn, avait alerté – ou pas – dès janvier le pouvoir exécutif de la gravité de la pandémie à venir, puis regretté la « mascarade » du premier tour des élections municipales à laquelle elle s’était apparemment volontiers prêtée… Dès lors, l’incrimination de Français « insouciants » servant de justification à des mesures de santé publique coercitives – le confinement – rejoignait le long cortège d’insultes proférées par M. Macron à l’égard des « Gaulois réfractaires ». Emmanuel Todd, dans son dernier livre, a décidément raison : faute d’avoir prise sur l’Histoire, les gouvernants français sont passés « en mode aztèque »2. Ils se vengent de leur impuissance au niveau international en martyrisant leurs concitoyens… (suite…)