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Détruire la misère – Victor Hugo – le 9 juillet 1849 à l’Assemblée Nationale

Portrait de Victor Hugo, député de la deuxième République en 1848.

Cet article a été écrit le 04/08/2024, date anniversaire de l’Abolition des Privilèges.

Un article proposé par BFMTV(1)https://www.bfmtv.com/paris/paris-un-bidonville-forme-le-long-du-peripherique-dans-le-13e-arrondissement-une-association-lance-l-alerte_AV-202307100432.html. Lu en août 2024. en juillet 2023 est éloquent : « En Ile-de-France, la préfecture [de Paris, ndlr.] dénombrait 124 bidonvilles pour 6 512 habitants en 2019. Interrogée, l’autorité chargée du relogement et des expulsions, n’a pas souhaité répondre aux questions de BFMTV. »

Vue satellite d’un bidonville de Roms dans le 13e arrondissement de Paris.

Quant à Google Maps, il suffit de rechercher le mot clef « bidonville » pour trouver une vue satellite géolocalisée d’au moins un, hypocritement déclaré « fermé définitivement » :

Vue satellite d’un faubourg parisien en 2024 – une favela(2)https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/favela/33076. Lu en août 2024..

Mais qu’est-ce que la misère ? Qu’est-ce que la pauvreté ?

Si nous en croyons un rapport(3)https://www.insee.fr/fr/statistiques/5759045. Lu en août 2024. de 2021 de l’INSEE, 9,1 millions de français vivent sous le seuil de pauvreté monétaire – soit 14,5 % de la population (hors territoires ultramarins).

Ce double constat social entre les bidonvilles de la capitale et la pauvreté évaluée à l’échelle nationale fait apparaître une grande disparité, un grand-écart gigantesque entre, d’un côté l’extrême pauvreté – la misère – qui conduit une frange à vivre en dehors de tout cadre urbain sain, et de l’autre, une pauvreté « plus acceptable » (mettons des guillemets immédiatement).

Ce cadre ainsi posé, nous vous invitons maintenant à lire le discours de Victor Hugo à l’Assemblée Nationale il y a 175 ans.

Je ne suis pas, messieurs(4)Il n’y avait pas de femme à l’Assemblée nationale en 1879., de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.

Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli.

La misère, messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu’où elle est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?

Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.

Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n’épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé depuis six jours.

Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !

Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l’homme, que ce sont des crimes envers Dieu !

Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a point pour base l’ordre moral consolidé !

Victor Hugo, discours du 9 juillet 1849 à l’Assemblée Nationale(5)https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/victor-hugo-9-juillet-1849..

Et nous pouvons donc conclure que d’une part la misère n’a pas été détruite à Paris, mais que d’autre part, nos élus, nos fonctionnaires, nos concitoyens font tout pour ne pas la voir. Car au lieu de la détruire, il est tellement plus simple de trouver son origine dans l’immigration illégale (et donc détruire la misère à coup d’expulsion), ou encore de fermer des bidonvilles pour les afficher comme tels dans Google Maps – du moins un seul sur 124.

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