Voilà. Nous sommes plongés dans un comique de troisième degré. Marx disait, on le sait, que l’histoire se joue la première fois comme tragédie (2002), la seconde, comme une farce (2017). Et la troisième, aujourd’hui, se joue comme un (mauvais) vaudeville. Toujours le même sketch, toujours le même barnum, toujours les mêmes acteurs (BHL, porte-parole du PS, de EELV, des journaux dits « de gauche », etc.), toujours les mêmes portes qui claquent, toujours les mêmes dialogues : le « front républicain » contre les bottes du fascisme : si vous ne votez pas pour Macron, vous faites le jeu du Rassemblement national, vous portez à la présidence de la République l’extrême droite !
À chaque séquence, depuis 2002, les partis dits « républicains » ou institutionnels disent avoir tiré les conclusions, de la montée de l’abstention et de l’extrême droite. On se souvient de l’engagement du docteur Macron en 2017 : il fallait faire baisser la fièvre de l’extrême droite en en traitant les causes. Résultat : l’extrême-droite n’a jamais été aussi haute. Et pour cause : il a poursuivi les orientations de politiques publiques qui ont alimenté son essor. Pour exemple : le mouvement des gilets jaunes a alerté sur la déshérence des zones rurales et périurbaines par les services publics. En effet, les politiques publiques, guidées par des cabinets de consultants privés et très onéreux, ont multiplié les citoyens de seconde, sinon de troisième zone. En premier lieu, la fermeture des maternités et des hôpitaux de proximité, symboles du pacte républicain. On ne parlera même pas des vents mauvais qui ont soufflé sur ces terres maudites en matière de dynamisme économique.
Les commentateurs et éditorialistes, avachis dans leur confort des hypercentres, se rassuraient à bon compte : à la fin, le radicalisme pliera devant le cercle de la raison. Mais voilà, il y a une loi de gravité sociologique : les gueux ne meurent pas en silence. Les résultats du premier tour de la Présidentielle ne sont, au final, que l’écho des mobilisations des gilets jaunes et contre la réforme des retraites, amplifiées par le candidat Macron, lesquelles furent réprimées sauvagement par le pouvoir macroniste.
Nous voici rendus au chantage habituel : Macron ou le fascisme. La raison contre la passion, la démocratie contre la dictature, le progrès contre la régression, les Lumières contre l’obscurantisme, le Bien contre le Mal.
L’histoire a décidément de la suite dans les idées puisque l’actuel pouvoir macroniste est noyauté par les anciens sarkozystes, dont l’idéologie cède au carriérisme, au point que l’on annonce Christine Lagarde comme future Première ministre. Thierry Solère est un conseiller politique. Nicolas Sarkozy vient d’apporter son soutien à Emmanuel Macron. Faisons un flash-back.
En 2007, c’était l’hystérie. Le Président nouvellement élu était le repoussoir de la République démocratique. Ses politiques publiques en faveur des riches, sa fixation sur l’identité nationale, sa gouvernance on ne peut plus centralisée et verticale : le fascisme était désormais en France. D’accord. Faisons le bilan de la présidence Macron : multiplication des lois liberticides ; encouragement des syndicats de policiers noyautés par l’extrême droite et factieux ; décisions d’intérêt national prises dans des conseils de défense opaques ; court-circuit des corps intermédiaires ; un Parlement de Playmobil levant la main quand l’Exécutif leur ordonne ; attrition des libertés publiques ; loi sur le secret des affaires ; usage disproportionné de la force publique condamné par les organisations internationales ; délégation de la censure d’Internet aux Gafam ; accaparement sans précédent des richesses par les milliardaires (que sous d’autres cieux on qualifierait d’oligarques), liste non exhaustive.
Car, bien entendu, il faudrait ajouter à ce lourd bilan institutionnel les politiques publiques inégalitaires, les insultes et les humiliations à l’endroit des plus modestes de nos concitoyens, la loi sur le secret des affaires, la privatisation rampante de l’État, colonisé par les lobbies et les cabinets de conseil, au plus grand mépris de la « souveraineté nationale » redécouverte par le meilleur « épidémiologiste de France ». De plus, nous savons maintenant que ce dernier connaissait la dangerosité du SARS-COV2 dès la fin 2019, ce qui n’a pas empêché le gouvernement d’en minimiser le danger et, pire, de tenter de faire passer en force sa réforme des retraites…
Le néolibéralisme autoritaire de la présidence Macron a pavé la route de l’avènement de l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir.
Alors, voilà : nous sommes à nouveau confrontés, nous, honnêtes gens, à une alternative infernale : le sarkozysme new-look ou le fascisme. Quelle belle alternative infernale !
Cela suffit !!! La démocratie ne consiste pas obliger les électeurs à voter avec un pistolet sur la tempe. Car n’en doutez pas : si on évite la catastrophe en 2022, on ne l’évitera pas en 2027. Car entre les deux, l’Union européenne, une technostructure ordolibérale, des professionnels de la politique prisonniers des lobbies, dont ceux de la chasse, ne céderont rien. Absolument rien. Chaque échéance électorale devient un chantage voire une menace, menace savamment entretenue par diffusion des idées d’extrême droite tout au long du mandat et mise en scène médiatique moralisante.
Nous croyons souvenir qu’en 2012, le candidat Jean-Luc Mélenchon avait déclaré : « à la fin, ça se finira entre eux et nous ». Le capitalisme néolibéral ne cédera plus rien, car des taux de retour sur investissement à 15 % ne tolèrent aucun contre-pouvoir. Il est même capable de rogner, voire détruire, les libertés publiques et les règles démocratiques. C’est à ce grignotage auquel on assiste depuis plus de dix ans.
L’heure est donc à un choix tragique : démocratie ou McKinsey ?
Les quinze jours qui arrivent vont, par conformisme, nous intim(id)er à voter pour M. McKinsey. Nous avons conscience et ne minimisons pas le danger de l’extrême droite. Cependant, il est très malhonnête d’en faire porter la responsabilité aux électeurs qui voteraient blanc, nul ou s’abstiendraient quand tout le cadre institutionnel et médiatique concourt à cette impasse. Il est encore plus malhonnête intellectuellement et politiquement d’accuser ces derniers d’avoir permis d’élire le Ramassis National alors qu’ils n’ont glissé aucun bulletin de ce parti fasciste dans l’urne. Parce que toutes les élections présidentielles seront à nouveau rythmées par ce vil chantage, nous refusons cette alternative infernale. Pour nous, ce sera la démocratie, et le refus résolu du chantage électoral. Résolument. Lucidement. Responsablement. Nous nous abstenons de participer à cette mascarade électorale sans fin.