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Nouvelle donne résultant des législatives partielles de décembre 2012
par Évariste
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Sur fond record d’abstentions, la saga de l’UMP n’a pas affaibli la mobilisation des électeurs UMP. Le Front de gauche augmente légèrement son pourcentage de voix mais dans un environnement moins concurrentiel dans la gauche de gauche. Le Front national ne fait pas de percée supplémentaire à celle effectuée en juin 2012. Par contre l’effondrement du PS est patent : en six mois, le candidat socialiste de la circonscription du Val-de-Marne n’est même plus au deuxième tour, le candidat de la circonscription des Hauts-de-Seine fait nettement moins bien que la somme de son score de juin 2012 et des candidats socialistes et écologistes qui n’avaient pas voté pour lui au premier tour de juin 2012. Bien évidemment, le record d’abstentions lors des élections de décembre par rapport à celles de juin invite à limiter les comparaisons. Mais nous pouvons dire que l’effondrement du PS sur 6 mois est quand même spectaculaire et que cela n’avantage principalement que la droite néolibérale. Et pas n’importe laquelle. Dans la circonscription du Val de Marne, un candidat copéiste dissident fait presque jeu égal avec le candidat commun UDI-UMP, il le dépasse même sur Saint-Maur. Et il n’est pas loin de l’extrême droite.
Nous ne pouvons donc pas nous féliciter du résultat de ces élections. Nous pouvons même avancer l’hypothèse que le Front de gauche n’a pas été à la hauteur des enjeux. Sans doute parce qu’il n’a pas dépassé sa forme actuelle en rejetant tous les électeurs qui voulaient adhérer directement au Front de gauche (suite à la bonne mobilisation autour du candidat du Front de gauche au premier tour de la présidentielle) et non auprès des organisations constitutives du Front de gauche. Sans doute aussi parce que la perspective d’avoir partout aux élections municipales de 2014 des listes Front de gauche au premier tour n’est toujours pas actée. Pire, certaines fédérations départementales du PCF, dont celle du Val-de-Marne, ont fait des communiqués de presse ambigüs dans un appel au rassemblement de toute la gauche pour les municipales. Le précédent des régionales avec cinq régions où le PCF a fait alliance au premier tour avec les socialistes est dans toutes les têtes. Cela n’aide pas à la mobilisation. Sans doute enfin parce que la priorité des directions nationales des organisations constitutives du Front de gauche n’est pas d’organiser une grande campagne d’éducation populaire aux fins de prendre l’initiative de grands débats populaires sur « ce que devrait être une politique réellement de gauche ». En réalité, si certaines assemblées citoyennes vont dans ce sens, d’autres, par manque d’autonomie, ne sont que des comités de soutien aux organisations constitutives du Front de gauche. Le « bougisme », l’activisme et la « réunionite » ne remplaceront jamais une campagne d’explication sur la lutte des classes aujourd’hui et de grands débats populaires pour la faire vivre.
Que faire ?
D’aucuns se plaignent des difficultés de mobilisation pendant que d’autres font des salles combles. Voilà le constat du Réseau Education Populaire (REP, entre 200 et 250 initiatives par an, www.reseaueducationpopulaire.info). Un stage « mobiliser pour une réunion citoyenne » est même proposé !
Ce qui est sûr est que la fébrilité et l’activisme sur les médias électroniques ne suffisent pas à la mobilisation populaire tout simplement parce que la part des citoyens qui lisent tous leurs messages régulièrement est faible, même si beaucoup les lisent de temps en temps. Il faut repenser la ligne stratégique de communication, notamment vers les couches populaires sur la base de leurs intérêts de temps court et de temps long. Il faut aussi d’autres vecteurs de communication : contact oral avec tous les acteurs sociaux et politiques de proximité, porte-à-porte, travail en collectif, distribution dans les grands flux notamment des transports en commun ou des grandes entreprises ou des hôpitaux, etc., développement d’une communication visuelle, université populaire avec diversification des formes de l’éducation populaire : conférences traditionnelles, stages de formation, ciné-débat, vidéos-débat, théâtre-forum, conférences populaires, etc. etc.
Est-ce que nous pourrons convaincre suffisamment vite ? Voilà la question. Parce que la politique gouvernementale va accentuer la désespérance sociale, la gauche de gauche doit gagner la course de vitesse avec le recours à droite et à l’extrême droite. C’est toujours comme cela en période de crise. Nous sommes prévenus. A chacun d’être à la hauteur des enjeux !
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Florange : pour tenir à la pression nous avons besoin d'un soutien populaire
par Edouard Martin
CFDT ARCELOR MITTAL Florange
Chers amis,
Nous sommes aujourd’hui plus de 15.000 personnes à avoir signé la pétition http://sauvonsflorange.wesign.it/fr que nous avons lancée le 29 novembre 2012. Nous vous remercions pour ce soutien et pour les nombreux mails et messages d’encouragements que vous nous avez adressés.
Comme vous l’avez tous compris, nous exigeons du gouvernement et de Mittal les garanties du respect de l’accord actuel.
Nous souhaitons avoir des garanties quant à l’échéancier sur un investissement réel d’un niveau suffisant pour garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi sur le site.
Tant que nous ne serons pas satisfaits des garanties proposées, nous continuerons à mettre la pression sur le gouvernement et sur Mittal,.
Nous maintenons donc notre pétition lancée par et pour les salariés de Florange pour qu’en cas de non respect de l’accord, la nationalisation revienne sur la table et redevienne possible.
Nous vous demandons donc de continuer à signer et à faire signer cette pétition : http://sauvonsflorange.wesign.it/fr .
C’est un formidable moyen de pression populaire et si chacun de nous l’envoie à 5 personnes de son entourage, nous aurons une formidable arme dans les négociations à venir.
Edouard MARTIN, CFDT ARCELOR MITTAL Florange
Serge BANQUART, ARCELOR MITTAL Florange
Ali Yahiaoui Djaffar, ARCELOR MITTAL Florange
Marc MICHEL, ARCELOR MITTAL Florange
Cela Gregory, ARCELOR MITTAL Florange
Nicotra Maurizio, ARCELOR MITTAL Florange
Baron Jérôme, ARCELOR MITTAL Florange
Thach Vet Thierry, ARCELOR MITTAL Florange
Jolliot Jérémie, ARCELOR MITTAL Florange
Defreitas Luis, ARCELOR MITTAL Florange
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La politique de Marisol Touraine, ou comment désespérer à nouveau les couches populaires
par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Education Populaire.
Auteur avec Michel Zerbato de « Néolibéralisme et crise de la dette ».
Auteur avec Catherine Jousse et Christophe Prudhomme « Contre les prédateurs de la santé ».
http://wwww.reseaueducationpopulaire.info
Une majorité de Français n’en pouvait plus de l’arrogance de la droite néolibérale incarné par l’équipe Sarkozy-Fillon-Copé et autres Bachelot et consorts, de son mépris des intérêts du peuple. Ils ont joué l’alternance. Le premier tour de l’élection présidentielle de 2012 voit, par rapport à 2007, une poussée de la gauche qui reste toutefois minoritaire, une droitisation des droites qui reste majoritaire (écroulement du pseudo-centre, recul de la droite néolibérale et forte poussée de l’extrême droite). La victoire de François Hollande n’étant due qu’à l’incapacité de Nicolas Sarkozy de rassembler les droites alors que la gauche se rassemble et qu’une partie des droites refuse de voter pour le candidat de droite.
Qu’en est-il 6 mois plus tard? Pour le peuple, rien n’a changé! Augmentation forte du chômage avec prévision de continuation de cette hausse, augmentation des inégalités sociales de toutes sortes (y compris de santé), les riches continuent de s’enrichir , les pauvres s’appauvrissent, le nombre de précaires, de pauvres et de miséreux augmente, la prise en compte des désirs et des dogmes du Medef donne toujours le la de la politique gouvernementale: pseudo-choc démographique, pseudo-choc de compétitivité, soumission au patronat multinational, fiscalité injuste, perpétuation de l’attaque contre la cotisation sociale, soumission à la désindustrialisation de la France, parjure sur le traité budgétaire, refus d’annuler la déformation du partage de la valeur ajoutée, privatisation des profits et socialisation des pertes, dogmes de la concurrence libre et faussée et du libre-échange,volonté de diminution des droits sociaux, mythe de la sortie capitaliste à la crise actuelle,acceptation d’un nombre grandissant de ceux qui ne font pas valoir leurs droits sociaux, préparation de l’Etat à la guerre sociale, etc.
La santé et la protection sociale qui pèsent pour plus de 30 % du PIB (soit plus de 600 milliards d’euros par an) sont bien sûr le révélateur du caractère social ou pas de la politique. Voyons cela ensemble.
1) L’Envers de la fraude sociale, le scandale du non-recours aux droits sociaux (éd. La Découverte).
Ce livre signé par treize chercheurs de l’Observatoire des non-recours aux droits et services, Odénore, laboratoire rattaché au CNRS basé à Grenoble (Isère), montre que plus de 7 milliards d’euros de prestations ne sont pas versés chaque année à ceux qui pourraient obtenir ces aides (RSA/ allocations chômage, aides au logement, CMU, transports). Deux fois plus que la fraude sociale estimée, si souvent dénoncée par la droite et l’extrême droite, qui coulerait la Sécu. Ce non-recours atteint 75 % de ceux qui pourraient bénéficier de l’aide à la complémentaire santé (ACS) et 50 % du RSA. Cela n’a pas été abordé sérieusement lors de la grande conférence sur la pauvreté des 10 et 11 décembre 2012.
Mais ce n’est pas tout ! Certaines aides sont contingentés avec un budget qui se clôt une fois consommé et qui donc ne touche pas tous les bénéficiaires potentiels. Donc, nous pouvons avoir des aides en début d’année mais pas à la fin de l’année ! Nous apprenons qu’il y a « 800 fraudeurs à la CMU mais des centaines de milliers de précaires, privés de CMU », que « chaque année, pour ne citer que quelques exemples, 5,3 milliards d’euros du revenu de solidarité active (RSA), 700 millions d’euros de couverture maladie universelle complémentaire, 378 millions d’euros d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, 2 milliards d’indemnités de chômage, ne sont pas versés à des populations pourtant éligibles ».
Nous apprenons par ailleurs que « l’inflation réglementaire fait aussi que les intermédiaires sociaux ne connaissent parfois pas l’offre elle-même. On l’a observé à Grenoble. Les tarifs sociaux énergie étaient très mal connus des travailleurs sociaux. Autre exemple, il est difficile d’envoyer une famille avec enfants dans un centre d’hébergement recevant des hommes seuls, souvent alcoolisés, parfois avec des problèmes de violence, etc. On a aussi constaté que le droit au logement opposable (DALO) n’est pas proposé aux personnes à la rue, car les travailleurs sociaux estiment souvent qu’elles sont inaptes à accéder à un logement. »
Pour lutter contre ce non-recours et favoriser l’accès aux droits,Il faut une volonté politique, poser la question de l’automaticité des droits, savoir détecter les droits potentiels. Par exemple, avoir le courage de remplacer la CMU par un accès à la prévention et aux soins de qualité pour tous et partout. Et ainsi de suite.
2) Les relations se tendent dans les hôpitaux
Beaucoup de conflits ont lieu entre les directions des hôpitaux et les organisations syndicales. Cela touche y compris des couches nouvelles qui n’avaient pas l’habitude de manifester.
Plus de 100 cadres de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont occupé jeudi soir la direction de l’hôpital Saint-Antoine pour protester contre leurs conditions de travail et réclamer la parution de leur décret statutaire à l’appel de l’Usap-CGT, FO, la CFDT, la CFTC et SUD santé, en intersyndicale.
Nous verrons dans la suite de la note que le mécontentement touche aussi les médecins hospitaliers et des chefs de service du Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP).
3) Sanofi, spécialiste du licenciement boursier, lance une « boisson beauté » avec Coca-Cola
Sanofi, 1er groupe pharmaceutique européen, 4e groupe mondial, fait 8,8 milliards d’euros de bénéfices. Il distribue 4,5 milliards d’euros aux actionnaires mais souhaite supprimer 2 000 postes de travail.
Plus rentable pour lui, il prévoit de lancer, par l’intermédiaire de sa filiale Oenobiol et en partenariat avec Coca-Cola, des boissons « beauté ». Coca-Cola serait responsable du développement du produit, de la production, tandis que Sanofi assurerait la commercialisation et la distribution.
La gamme comprendrait quatre produits, la première au zinc, censée améliorer la beauté des cheveux et des ongles, la seconde à la caféine pour plus de « vitalité », la troisième au glucomannane avec un objectif « minceur » et la dernière au lycopène pour le « solaire intensif ».
Est-il normal qu’une société largement financée par la Sécurité sociale et donc par nos cotisations sociales, se serve de notre argent pour financer la commercialisation et la distribution des produits de beauté, rémunérer les actionnaires, tout en alimentant le chômage ?
4) Le sentiment de défiance touche y compris les médecins et chefs de service hospitaliers
Comment une nation qui s’enorgueillissait, d’avoir selon l’OMS, le système de santé le plus performant du monde, en est-elle réduite à tenter de rétablir la confiance ?
Vous pouvez lire des extraits de textes humoristiques émanant pour le premier d’André Grimaldi, chef de service de diabétologie à l’APHP, président du Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) et le deuxième de Bernard Granger, chef de service de psychiatrie à l’APHP, et secrétaire général du MDHP. Nous précisons que :
- T2A veut dire tarification à l’activité ce qui consacre le passage de l’hôpital en hôpital-entreprise (par la spécialisation sur des malades rentables, dans le cas actuel de faiblesse du financement des missions d’intérêt général.
- l’ONDAM est l’ Objectif national des dépenses d’assurance-maladie voté chaque année par l’Assemblée nationale
- l’IRDES est l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé
- la FHF est la Fédération hospitalière de France
- l’IGAS et l’IGF sont respectivement l’ Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances
Nous n’avons pas mis les documents joints aux lettres des deux chefs de service du MDHP car ils sont plus techniques mais nous pouvons vous les fournir sur simple demande à bernard.teper@reseaueducationpopulaire.info
Voilà pour le premier texte d’André Grimaldi :
Ci-joint, un merveilleux florilège sur la T2A où on apprend que grâce au « caractère inflationniste » de la T2A les hôpitaux ont fait preuve d’un « dynamisme impressionnant » permettant de « gagner des parts de marché ». Si bien que pour respecter l’ONDAM, il a fallu baisser les tarifs par rapport aux coûts réels.
Soucis : la T2A victime de son succès risque de perdre toute crédibilité. Solution : calculer les tarifs non pas sur es coûts moyens mais sur les coûts les plus bas.
Mieux que la convergence tarifaire public/privé, la convergence « low-cost » ! Et la qualité me direz vous ? Pas de souci, puisqu’une enquête par questionnaires conclut que « sous réserve d’analyses plus précises, il n’y a pas eu d’effet sur la qualité des prises en charge » et d’ailleurs « pas d’augmentation du taux de réadmissions à 15 jours » (FHF) mais seulement une augmentation différée à 30 jours (IRDES)
Heureusement la plasticité fabuleuse de la T2A permet d’apporter à chaque critique une réponse : il suffit d’intégrer dans la T2A des critères de qualité ! Et c’est ainsi que les médecins soutenus par leurs directeurs,vont apprendre à soigner les indicateurs plutôt que les patients.
En Allemagne on ne rembourse plus les 2e séjours rapprochés pour la même pathologie. Les transfertsd ’un hôpital à l’autre ont donc spectaculairement augmenté. Un modèle à suivre !
La T2A a comme tout le monde des qualités et des défauts : plus exactement de grosses qualités et d’énormes défauts. Elle ne prend en compte ni l’innovation, ni la prévention, ni la qualité, ni la pertinence, ni la complexité, ni la coordination, ni la maintenance, ni l’investissement. Oui, mais elle peut le faire !
Les addicts de la T2A proposent donc avec délectation de la complexifier à loisir, d’embaucher et de former pour ce faire du personnel. Et, cerise sur le gâteau, de créer un « observatoire de la T2A ».
La France ne dépense pour la gestion de la santé que 7 % des dépenses de santé soit le double de la moyenne de l’OCDE . On a donc de la marge, puisqu‘on peut, selon le rapport commun IGAS/IGF, supprimer chaque année pendant 5 ans10 000 postes de personnels hospitaliers
Et si on remettait la T2A à sa juste place, comme le suggère Brigitte Dormont ? Horreur ! la T2A n’est pas un mode de financement parmi d’autres.
C’est une politique, c’ est un principe, c’est une philosophie !
Elle est en effet intrinsèquement liée au concept « hôpital entreprise » et à la sacro sainte concurrence, « seul moyen d’obtenir la qualité au plus bas coût », comme tous les exemples en matière de santé, ne le montent pas.
Mais il n’y a aucune raison de désespérer de l’intelligence humaine.
Voilà pour le deuxième texte de Bernard Granger :
La confiance ne se décrète pas. En revanche, la défiance se répand de façon inquiétante. L’exemple de l’hôpital de Saint-Malo est éloquent.
La justice a dû intervenir pour arrêter les intrusions violant le secret médical d’un cabinet d’expertise au sein des activités médico-chirurgicales de cet établissement.
L’attitude de ces « experts » préfigure une solution à laquelle nos technocrates sanitaires devraient songer pour rendre règlementaires et efficientes ces enquêtes : la définition de nouvelles fonctionnalités
dans nos établissements hospitaliers avec la création de deux nouveaux métiers, les inspecteurs et commissaires hospitaliers. Allant par paire, munis d’une casquette et d’un badge portant leur numéro d’immatriculation, les premiers seraient chargés de suivre chaque praticien dans son activité, et de noter ses moindres faits et gestes
(pour les gardes, on prévoirait un dispositif allégé, permettant néanmoins d’assurer une surveillance constante).
Les inspecteurs hospitaliers rendraient compte quotidiennement de leur mission à leur supérieur hiérarchique au sein de l’hôpital, le commissaire hospitalier, rattaché directement à la direction. Le corps des commissaires d’ARS serait institué au niveau régional. Pour l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille et les Hospices civils de Lyon, il faudrait prévoir un échelon intermédiaire, appelé commissaire central, chargé de coordonner l’ensemble des commissaires hospitaliers de chacun de ces grands groupes.
Les commissaires d’ARS se réuniraient une fois par mois au ministère de la Santé pour faire un rapport circonstancié au sein de la direction de la surveillance des praticiens (DSP), dont le directeur aurait rang de commissaire général. L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (la célèbre ANAP) serait chargée d’évaluer l’ensemble de ce dispositif innovant, et espérons-le, pérenne. Pour cela, elle ferait appel à un cabinet-conseil, sur appel d’offre.
Cela assurerait enfin une transparence totale des activités médicales au sein des hôpitaux et pourrait être aisément financé par la suppression de personnels soignants…
5) Dépassements d’honoraires médicaux : Sarkozy en a rêvé, le gouvernement Hollande-Ayrault-Touraine veut le faire !
La crise de 2007 a marqué la fin de la fuite en avant financière devant l’incapacité du capitalisme développé à créer de la richesse réelle. On arrive maintenant à l’os : seule une baisse drastique des salaires peut encore permettre de continuer. Là où le salaire socialisé est important, comme en France, les coupes commencent dans cette composante, c’est moins directement visible et politiquement plus gérable. Les services publics sont de plus en plus ouvertement la cible des gérants du capital, qu’ils soient de droite ou de gauche.
Ainsi, Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand, son ministre d’alors, projetaient d’encadrer, dans un projet qui s’appelait alors le secteur optionnel, les dépassements d’honoraires avec un dépassement autorisé de 50 % du tarif opposable pour 70 % des patients, les 30 % restant devant être pratiqués au tarif conventionné. Ce projet n’a pas vu le jour.
Arrive alors un nouveau président, François Hollande, qui annonce que « le changement, c’est maintenant ». Sa ministre Marisol Touraine, ainsi que Frédéric Van Roekeghem, le tout-puissant directeur de l’Union Nationale des Caisses d’Assurance-Maladie (UNCAM), ancien directeur d’une entreprise du CAC 40 (Axa), qui continue la même politique que sous Sarkozy de privatisation des profits et de socialisation des pertes dans le système de santé, tous deux gagnés à l’ordolibéralisme destructeur des principes de la République sociale, sont sur le point de faire pire que dans le projet du secteur optionnel.
Cette fois-ci l’accord réactionnaire autorise non pas 50 % de dépassement mais 150 %, ce qui veut dire 2,5 fois le tarif opposable, excusez du peu ! Et cette fois l’accord de l’Union nationale des organismes complémentaires à l’assurance-maladie (UNOCAM, dont l’un des membres, la Fédération française des sociétés d’assurance FFSA, est l’une des principales branches du MEDEF), dont le but est de dépecer la Sécurité sociale, soutient ce projet. Voilà ce que souhaitent les représentants de l’oligarchie pour les 5 ans qui viennent avec cette proposition d’avenant à la dernière convention médicale.
Mais vous ne savez pas tout. Car pour l’instant, aucun mécanisme de sanction n’est prévu et la discussion est renvoyée à plus tard pour application en 2013. Donc pour l’instant, nous avons une obligation de limitation sans sanction : elle n’estpas belle l’histoire pour les prédateurs ! Mais pire encore, l’oligarque qui dirige la Sécurité sociale est prêt, avec le soutien du MEDEF et de la ministre, à prendre en charge les cotisations sociales des médecins du secteur 2 à dépassements, contre une vague promesse de diminuer les dépassements pour les patients pauvres et de faire bénéficier des tarifs opposables les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) ! Rappelons que l’ACS est une subvention des caisses de sécurité sociale via les commissions sociales pour aider les pauvres à souscrire une complémentaire santé d’un organisme de l’UNOCAM. Et puis bien, sûr, rien n’est fait pour dissuader les nombreux médecins de « repousser de leurs cabinets » les titulaires de la CMU et des bénéficiaires de l’ACS. De même que rien n’est fait pour lutter contre les dépassements sauvages y compris dans l’hôpital public lorsque le quota du secteur privé de l’hôpital public est dépassé!
Il va sans dire que l’application de cet accord aura comme conséquence de maintenir le niveau global des dépassements tout en augmentant le nombre de médecins qui feront des dépassements. Il n’y aura donc aucune amélioration quant à l’accès aux soins ni dans la lutte contre les inégalités sociales de santé. Aujourd’hui, nous sommes dans une seringue avec 6,3 milliards (dont 2,1 pour la médecine et 4,2 pour les dentistes) de dépassements en consultation auxquels il faut rajouter 5,5 milliards pour les actes techniques
Rendez-vous est donc pris pour la suite de l’histoire. Pour notre part, nous allons continuer à promouvoir dans nos campagnes d’éducation populaire, avec le Réseau Éducation Populaire (REP) et en prolongement des thèses que nous avons défendues dans le livre Contre les prédateurs de la santé, les positions suivantes :
- application du principe de solidarité, à savoir « à chacun selon ses besoins et chacun doit y contribuer selon ses moyens »,
- suppression de tout dépassement d’honoraires tant pour les consultations que pour les actes techniques,
- augmentation des certains tarifs opposables des consultations et de certains actes techniques ainsi que des salaires des médecins salariés,
- développement à coté du secteur “libéral”, d’une médecine ambulatoire publique organisée autour des centres de santé qui seront partout et pour tous des centres de premier recours bénéficiant comme les hôpitaux d’une enveloppe des Missions d’intérêt général et d’aide à la contactualisation (MIGAC), dont le montant sera substantiellement renforcé grâce à une reformatage du partage de la valeur ajoutée plus favorable aux salaires directs et aux prestations sociales,
- engagement dans un processus visant à terme que le financement public ne financeplus le privé lucratif pour les actionnaires,
- financement des hôpitaux et des centres de santé et de prévention de premier recours non à l’acte ou à la tarification à l’activité (T2A) mais selon une tarification du parcours de soins liée à la pathologie.
6) Gérard Bapt (PS) demande la démission du président du collège d’experts de l’Oniam chargé de Médiator*
Le député socialiste Gérard Bapt a demandé la démission de Roger Beauvois, le président du collège d’experts chargé d’examiner les dossiers Mediator* (benfluorex, Servier) pour l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), considérant qu’il ne respecte pas le principe de la loi à l’origine de ce dispositif spécifique.
« Roger Beauvois doit appliquer la loi », et comme il a réaffirmé jeudi matin qu’il ne changerait pas ses pratiques, « je réclame [sa] démission” » a déclaré le député PS lors d’une conférence de presse organisée jeudi par deux associations de victimes, dans les locaux de la revue Prescrire.
L’association d’aide aux victimes de l’Isoméride* et du Mediator* (Avim) et le Conseil aide et défense des usagers de la santé (Cadus) ont organisé cette conférence de presse pour exprimer leur désaccord avec les décisions prises jusqu’à présent par le collège d’experts de l’Oniam.
Au terme de 146 séances, le collège d’experts a émis 729 avis, dont 33 avis d’indemnisation, sur 7.589 dossiers déposés. « Il est inadmissible que le collège rejette 90 % des demandes d’indemnisation, alors que nous les avons étudiées une par une avant de les lui soumettre », en écartant déjà les dossiers peu solides, s’est indigné Dominique Courtois, président de l’Avim. Il a déjà déposé 1.400 dossiers et en a 5.000 autres constitués. Mais il se trouve contraint d’en déposer « 100 par semaines avec une valise, parce que qu’on ne peut en déposer davantage en une fois, et que nous n’avons pas les ressources pour les envoyer en recommandé ».
Bruno Toussaint, rédacteur en chef de la revue Prescrire, a estimé que les experts du collège allaient « au-delà de leur prérogative en se demandant quelles valvulopathies méritaient d’être indemnisées ». Il les a appelés à se demander “pour qui ils travaillent ?”. « Travaillent-ils pour Servier ? L’État ? Se sentent-ils obligés de faire des économies ? », s’est interrogé le porte-parole de la revue médicale indépendante
7) Inquiétude après les déclarations du Président de la République sur le financement de la recherche
L’agence APM rapporte que « le président de la République, François Hollande, a affirmé sa volonté de décloisonner les recherches publique et privée pour relancer la compétitivité de la France, lors de l’inauguration d’un centre de recherche consacré aux maladies émergentes à l’Institut Pasteur. Il a confirmé la volonté du gouvernement de renforcer le transfert de technologies issues de la recherche publique, comme annoncé le 7 novembre par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, à la suite de la publication du rapport Gallois. »
« Ce qu’il faut assurer, c’est le décloisonnement et ce sera le mot clef », a répété le président de la République. Il a affirmé sa volonté de décloisonner « toutes les formes de recherche ». « Décloisonnement entre universités et grandes écoles, centres de recherche, industrie, hôpitaux », a-t-il poursuivi.
François Hollande a également réaffirmé la nécessité de simplifier les structures de recherche pour plus d’ »efficacité et de visibilité ». Dans son discours, il les a qualifiées de « trop nombreuses ». « Les dispositifs de financement ne sont pas assez articulés, les processus d’évaluation trop lourds, quand ils ne se superposent pas », a-t-il constaté.
Quand on sait que le financement privé de la recherche est réalisé non en fonction des besoins sanitaires et sociaux mais en fonction de la rentabilité escomptée et de la solvabilité des types de malades, ces déclarations peuvent inquiéter.
8) Inquiétudes globales sur le système de santé et de protection sociale
Alors que tous les fondamentaux néolibéraux sont toujours aux postes de commande, le gouvernement fait beaucoup de communication mais sans aller au bout de la nécessité de supprimer toutes les contre-réformes régressives de la droite.
Alors qu’il prend une bonne mesure comme par exemple, le remboursement à 100 % de l’IVG, il ne va pas au bout de son action en ne réimplantant pas tous les centres IVG supprimés par la droite depuis 2002. Le remboursement, c’est bien mais proposer à toutes les femmes une structure de proximité pour faire l’acte, c’est mieux!
Tous les salaires hospitaliers sont en baisse en euros constants. Est-ce tenable longtemps ?
Le gouvernement a fait voter la possibilité pour l’ensemble des complémentaires santé d’installer des réseaux de soins. Les grands médias n’ont montré que des médecins opposants ultra-libéraux qui ne s’intéressaient uniquement qu’à leurs revenus. Mais il n’a pas mentionné la critique de ceux, qui attaché à un accès aux soins solidaire, voient dans la généralisation des réseaux de soins des complémentaires santé l’amorce d’un accès aux soins à plusieurs vitesses suivant son niveau de revenu, son lieu géographique d’habitation, sa complémentaire santé. Bien évidemment, on ne s’occupe pas de ceux qui n’ont pas de complémentaire santé pour des raisons financières, de ceux qui ont une complémentaire santé de piètre couverture, etc. On est bien loin de l’accès aux soins et à la prévention de qualité partout et pour tous sans effet de seuil !
Beaucoup d’autres sujets sont prévus en 2013. Nous ne manquerons pas de revenir sur ces sujets au fur et à mesure de l’actualité.
- Extrême-droite religieuse
- International
- Laïcité et féminisme
- Politique
- ReSPUBLICA
Pourquoi les révolutions arabes se sont produites ? Pourquoi elles mettent au pouvoir l'intégrisme islamiste ? Où en est-on en Egypte ?
par Zohra Ramdane
Ces questions sont posées de façon lancinante dans toutes les réunions publiques d’éducation populaire sur des thèmes comme le féminisme, la laïcité, le « printemps arabe », « l’évolution du monde », etc.
Et dans les discussions à l’issue des conférences publiques ou des cinédébats, beaucoup d’interventions ne peuvent se contenter des réponses traditionnelles des organisations qui se disent laïques, mais qui refusent de répondre à ces questions, ou des organisations politiques ou syndicales (et y compris dans la gauche de gauche!) qui restent souvent prisonniers d’un discours pseudoradical, mais prisonnier de l’idéologie dominante elle-même.
C’est pourquoi nous nous efforçons dans le discours du journal Respublica ou encore dans les interventions du Réseau Education Populaire (Rep) d’essayer de combler ce manque. Pour répondre à la première question, le journal Respublica a publié un article de Samir Amin qui donne des clés de compréhension de la « révolution égyptienne ». Comme vous avez pu le constater, peu d’organisations dites laïques ont repris cette analyse pourtant lumineuse. Et dans les interventions des conférenciers du Réseau Education Populaire (Rep), nous sommes presque les seuls à répondre au paradoxe des montées concomitantes de la sécularisation dans tous les pays de la planète et de l’accession au pouvoir des communautaristes (dans les pays développés) et des intégristes dans les pays du Sud.
Pourquoi sommes-nous si seuls ? Tout simplement parce que la plupart des acteurs politiques et sociaux de cette fin de règne du pli historique, ouvert dans les pays développés au 16e siècle, refusent malgré leurs bonnes intentions de comprendre les causes des phénomènes en organisant uniquement des jérémiades collectives sur les conséquences de la crise globale dans laquelle nous vivons. Comme disait le vieux barbu du 19e siècle que beaucoup ont enterré trop vite faute de l’avoir lu (y compris dans la gauche de gauche!) dans la 11e thèse sur Feuerbach:”Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe, c’est de le transformer. ». Et pour le transformer, il faut connaître les causes des phénomènes et ne pas se contenter de jérémiades sur les « méchants » au pouvoir. Ou dit autrement, c’est en se plaçant dans une perspective de transformation du monde, que l’on peut comprendre la réalité matérielle.
Ce n’est pas grâce à une version de « gôche ou d’extrême gôche » du capitalisme que l’on trouvera la solution. Pas plus dans les différentes versions des idéologies provenant du christianisme social (qui veut troquer la lutte des classes des exploités contre les exploiteurs par la lutte des pauvres contre les riches, cette dernière lutte étant voué à l’échec, car niant les vraies causes de la crise globale).
Nous continuerons donc à expliquer que le paradoxe noté plus haut ne peut se comprendre qu’en resituant cette problématique dans le logiciel de la phase actuelle du capitalisme (que nous appelons turbocapitalisme). Dans cette phase actuelle du capitalisme, nous avons une demi-douzaine de caractéristiques qui la fondent. Dans celles-ci il y a depuis plus de trente ans, une alliance en « béton armé » entre les capitalistes néolibéraux et les forces cléricales communautaristes et intégristes. Cette alliance est entre eux du gagnant gagnant.
Gagnant pour les capitalistes néolibéraux, car pour lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit il leur faut engager d’une part la déformation du partage de la valeur ajoutée et d’autre part la privatisation des profits et la socialisation des pertes de la sphère de constitution des libertés (école, système de santé protection sociale, services publics). Et tout le monde a bien compris que tout service privatisé appelle les cléricaux communautaristes (dans les pays du Nord) et intégristes (dans les pays du sud) à remplacer la solidarité de l’ensemble public de la sphère de constitution des libertés par la « charité pour les pauvres » organisées par ces forces cléricales communautaristes et intégristes.
Gagnant pour les forces cléricales communautaristes et intégristes, car malgré la sécularisation qui a tendance à faire reculer leur emprise sur les « âmes », les « pauvres » n’ont pas d’autres possibilités « pour manger, se soigner, s’insérer ou pour se faire aider, ou tout simplement pour vivre » que de soutenir ces forces cléricales communautaristes et intégristes, car les dictatures militaires ou cléricales n’ont que faire d’une école publique, de services publics, ou d’un système de santé et de protection sociale publiques.
Et cela est vrai tant dans tous les pays du Sud(dont les pays arabes et ,ou, musulmans, etc.) que du Nord (États-Unis, Europe, Israël, etc.). Voilà pourquoi les islamistes prennent le pouvoir dans les pays arabes et voilà pourquoi se développent en France les laïcités positives, ouvertes, de reconnaissance contre la laïcité tout court! Tout le reste ne relève que de la société du spectacle. Jean Jaurès avait en son temps compris que l’intérêt des couches populaires était dans les services publics, l’école publique, le système public de santé et de protection sociale. Voilà pourquoi il fut un chaud partisan de la loi de Séparation de 1905 pour enlever aux cléricaux communautaristes et intégristes la position de surplomb de l’église catholique sur cette sphère de constitution des libertés. Et oui pour aller vers l’émancipation il est nécessaire de développer cette sphère publique de constitution des libertés avec les 10 principes de la République sociale (liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, etc.). Nous publierons un livre sur ce sujet en 2013. Nous y reviendrons donc.
On voit le décalage avec la partie de la gauche et de l’extrême gauche totalement imbibé de l’idéologie communautariste qui soutient donc les alliés des néolibéraux. Rappelons-nous le Forum social européen de Londres dont le problème principal des altermondialistes fut de permettre à Tariq Ramadan de pouvoir prendre la parole dans 7 séminaires sur trois jours ce qui les a obligés de positionner d’abord les séminaires du frère musulman Tariq Ramadan en épine dorsale avant de mettre ensuite les autres séminaires! Comprenons la responsabilité de mettre à mal le service public de santé et de se contenter de promotionner les structures médicales caritatives et religieuses! Ou de se contenter de la charité institutionnalisée de la CMU en lieu et place d’un accès pour tous et partout à une prévention et des soins de qualité! La liste est longue…
Passons à la question sur l’Égypte.
La première Constitution égyptienne a été adoptée en 1882 sous la férule de Tawfiq Pacha. Puis en 1923, avec la fin de l´ère du protectorat britannique en Égypte, une nouvelle Constitution d’influence européenne a été rédigée. Cette Constitution fut en vigueur jusqu´en 1953, date de la nouvelle constitution de la révolution nassérienne des officiers libres. Elle a toutefois été suspendue par le roi de 1930 à 1935, dans le cadre de sa lutte contre le Parti Wafd.
La constitution que les Frères musulmans veulent imposer en Égypte est aujourd’hui la plus obscurantiste de l’histoire. C’est la plus islamiste des constitutions égyptiennes. Pire que la Constitution de 1971 de Sadate lui-même.
Il faut comprendre que la politique du dictateur Sadate a été d’une part de faire la paix avec Israël, mais en même temps d’islamiser la constitution égyptienne. Si la première partie de l’article 2 de la constitution reprenait les termes de la Constitution de 1923: « l’islam est la religion d’État et l’arabe la langue officielle », la deuxième partie de l’article, selon laquelle « les principes de la charia islamique sont une source principale de la législation » était déjà un ajout islamiste fait par Sadate avant de le reformuler en disant que c’est » la source principale ».
Sans rentrer dans le détail, l’arrivée du dictateur Moubarak a modifié l’interprétation de la charia islamique via l’université théologique d’Al-Azhar dans un sens défavorable aux islamistes.
Depuis la révolution du 25 janvier, la Constitution de 1971 est abolie. Puis ,une ratification d’une déclaration constitutionnelle de la dictature militaire a été ratifiée en mars 2011 par référendum qui permet de diriger le pays par déclaration constitutionnelle. Le nouveau dictateur frère musulman Morsi n’a fait qu’utiliser cette possibilité en révoquant la déclaration constitutionnelle de la dictature militaire prise à la veille de son élection en juin 2012 puis en promulguant une nouvelle déclaration constitutionnelle le 22 novembre 2012 pour prendre les pleins pouvoirs au détriment de l’autorité judiciaire.
Il est intéressant de voir que la première assemblée constituante formée en mars 2012 a été dissoute fin avril 2012, car les islamistes étaient largement majoritaires. Une nouvelle assemblée constituante fut nommé en juin 2012 comprend 33 représentants des partis égyptiens (huit partis au total) ; sept femmes ; sept représentants des mouvements de jeunesse et des familles des victimes de la révolution ; dix membres d´Al-Azhar et d’autres institutions de la charia ; huit Coptes, 28 experts juridiques représentant le système judiciaire et les universités ; dix écrivains, penseurs et universitaires ; sept représentants syndicaux ; quatre représentants des travailleurs et des agriculteurs ; et un représentant de la diaspora égyptienne.
Comme l´Assemblée constituante précédente, celle-ci aussi était en majorité islamique, car comme toujours ceux que l’ont présente comme émanant de la société civile étaient aussi des islamistes. c’est pourquoi la gauche et les libéraux ont démissionné de cette instance illégitime.La Haute Cour constitutionnelle devait livrer son verdict des procès le 2 décembre 2012 et donc le dictateur des fréres musulmans Morsi a dissous cette Haute cour par décret le 22 novembre 2012. C’est comme si en France un président de la république pouvait dissoudre par décret le Conseil constitutionnel, car il aurait une crainte que ce dernier censure ses projets avant le référendum du 15 décembre!
Pour que vous puissiez juger, voilà un florilège de la Constitution dictatoriale et cléricale des Frères musulmans:
- L’article 1 définit maintenant le peuple égyptien comme « faisant partie de la nation islamique » et non de la nation arabe
- L’article 2 définit l’islam comme « religion d’État » et « les principes de la charia islamique » comme « la source principale de la législation » reste intacte.
- L’article 219, qui clarifie l’article 2, stipule que: « les principes de la charia islamique » fait référence aux méthodes générales de l’argumentation juridique, de règles juridiques fondamentales et les principes, ainsi que les sources reconnues par les écoles sunnites juridiques. « Son rôle est d’empêcher une interprétation libérale de l’article 2 du type de celle utilisée par la Haute cour constitutionnelle. L’article 219 permet aussi la codification de la charia et permet la discrimination contre tous ceux qui ne sont pas musulmans sunnites, chiites, y compris.
- L’article 3 définit «les principes canoniques de chrétiens égyptiens et juifs» comme «la source principale de la législation de leurs lois sur le statut personnel, de ses affaires religieuses et la sélection de leurs chefs spirituels. »
- L’article 4 a été ajouté dans le but de consolider le statut d’Al-Azhar en tant qu’autorité religieuse de l’État.
- L’article 6 stipule que «le système politique est fondé sur les principes de la démocratie et de la choura (un principe islamique qui oblige le dirigeant de consulter des conseillers religieux).”et que contrairement à la constitution précédente on pourra présenter des partis basés sur la religion.
- L’article 10 stipule: «La famille est le fondement de la société et est fondée sur la religion, la moralité et le patriotisme.
- L’article 44 stipule que le délit de blasphème est organisé.
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Laïque et chrétien
par Monique Cabotte-Carillon
présidente de l’association nationale C.E.D.E.C., Chrétiens pour une Église Dégagée de l’école Confessionnelle
Respublica vous propose un double hommage avec la présentation ci-après et la conférence attenante. D’abord pour l’Amicale laïque de Concarneau qui est l’une des rares amicales laïques françaises qui continue de promotionner le principe de laïcité alors que la plupart de ses congénères se sont fondus dans l’idéologie dominante et le conservatisme communautariste.
Ensuite pour Monique Cabotte-Carillon, infatigable combattante laïque qui nous rappelle utilement que le principe de laïcité n’a jamais été anti-religieux mais possède une force anticléricale. NDLR
Pierre Bleuzen (président de l’Amicale laïque de Concarneau)
Lorsqu’il y a 10 ans, nous avons entrepris de nous attaquer à cette question de la laïcité, nos travaux nous ont naturellement très vite orientés vers l’histoire : « Vivre ensemble en paix ». Comment l’idée du modèle laïque, fondé sur une séparation des Eglises et de l’Etat, de l’espace public et de l’espace privé, avait-elle pu germer dans l’esprit de quelques uns ? Comment avait-elle cheminé jusqu’à trouver sa forme aboutie ? Comment était-elle passée dans notre législation ? Comment, au fil du temps, avait-elle été acceptée par la quasi-totalité des Français ? Avec cette petite pointe de curiosité : comment cela s’était-il passé à Concarneau et dans notre environnement proche dans les années 1900 ?… Qu’en est-il aujourd’hui ? … Je vous renvoie à nos publications sur le site www.laicite-aujourdhui.fr
Au départ, nous avions une représentation générale, plutôt uniforme de chaque religion, du catholicisme en particulier, mais des autres aussi, même si l’islam présente ce grand clivage entre chiites et sunnites. Ahmed Djebbar nous a fait redécouvrir l’an passé combien la religion musulmane se décline en une multitude de petites branches à partir de ces deux pôles.
Notre perception est bien différente aujourd’hui : au sein des différentes religions, même si elles affichent encore une image d’unité, nous voyons se développer, de la part de leurs adeptes, des déclinaisons très diverses.
Il reste que nous continuons à nous heurter à une difficulté récurrente : chez nos interlocuteurs, la laïcité est encore très souvent perçue, voire désignée comme antireligieuse. Il y aurait opposition entre laïcité et religion-, et nous entendons régulièrement cette réplique : « Ce n’est pas toi, qui plus est membre de l’amicale laïque, qui va me faire croire le contraire »… que notre interlocuteur soit croyant … ou athée, d’ailleurs !
Il se trouve que 10 années d’activité ne se passent pas sans faire des rencontres de toutes sortes : un jour, un ami nous a interpelés : connaissez-vous N.S.A.E : Nous Sommes Aussi l’Eglise ? Ah ! … Qui sont-ils ? Nos recherches nous mènent rapidement au C.E.D.E.C. dont Monique Cabotte-Carillon est présidente et qui existait bien avant N.S.A.E. (dès 83), Chrétiens pour une Eglise Dégagée de l’Ecole Confessionnelle … puis nous découvrons la fédération Parvis, l’O.C.L. : l’Observatoire Chrétien de la laïcité… Des chrétiens avaient un observatoire de la laïcité ! … et en creusant davantage, nous avons découvert que ces mêmes chrétiens tenaient un discours encore plus exigeant que le nôtre vis-à-vis de la laïcité ! Voilà qui méritait d’être entendu …
Un peu plus tard, nous avons vu arriver des militants chrétiens dans notre groupe Laïcité Aujourd’hui… La surprise passée, nous avons rapidement et facilement cheminé ensemble, nos différences produisant une richesse insoupçonnée.
L’année passée, nous nous sommes invités au colloque du C.E.D.E.C., l’un des nombreux groupes de la fédération Parvis, et nous avons fait plus ample connaissance. Nous y avons rencontré des croyants qui exigeaient une application stricte de la loi de 1905 ; la chose n’est pas courante dans notre environnement proche ! Et nous avons voulu en savoir encore davantage …
Quels sont les arguments de ces chrétiens qui se situent dans le « courant d’air frais » qu’a créé Vatican 2 et qui ont une telle exigence de laïcité… … et de liberté ? Ceci m’a rappelé Léon Bourgeois qui en 1901, disait déjà : “Les Églises libres dans l’État laïque souverain”. (Voilà qui résume bien le concept de laïcité.) Est-ce là leur approche ?
Monique Cabotte-Carillon : Laïque et Chrétien
Merci à l’équipe de l’Amicale laïque de Concarneau de m’avoir invitée à dialoguer avec vous sur la possibilité d’être à la fois laïque et chrétienne. Je dirais plus : la laïcité favorise-t-elle l’acte de foi d’un croyant ?
Trois remarques préliminaires concernant la formulation du titre.
- La première est d’ordre orthographique. Certes, le dictionnaire nous précise que « laïque » avec la terminaison « que » peut être utilisé pour les deux genres, masculin et féminin, mais depuis plus d’un siècle l’histoire de la laïcité a apporté une connotation spécifique : est particulièrement laïque celui ou celle dont les convictions l’incitent à défendre la laïcité. Orthographe que je m’autorise à revendiquer pour mon humble personne… M’étant référé au petit livre « la laïcité », d’Henri Pena-Ruiz je lis p. 235 « laïque en ce sens ne signifie nullement hostile à la religion. L’option religieuse comme option libre appartient au registre privé de la personne ou d’un groupe de personnes librement associées. » Quant au terme laïc – ïc -,qu’il s’agisse de l’adjectif ou du substantif, il désigne, selon la même source le « simple fidèle qui n’exerce aucune fonction officielle dans l’institution religieuse. Opposé à « clerc » au sein du vocabulaire religieux, selon une étymologie qui rappelle que l’homme du peuple, que rien d’abord ne distingue d’un autre, constitue la référence première. »( latin : laïcus ; du grec leikos : qui appartient ou qui est relatif au peuple). Ce sont des nuances orthographiques dont ne se soucient guère quelques journalistes – pour ne parler que de cette profession – sur le dos de laquelle on tape allègrement dans l’Église catholique, ce que je regrette… mais je me laisse entraîner au même défaut en vous citant une perle récente. Dans le Monde du 29 septembre 2012, il est question du procès du « corbeau » du Vatican, majordome du pape, qui aurait volé, dans l’exercice de ses fonctions, divers documents. Le journaliste écrit : « Face à un collège de trois juges laïques, Paolo Gabriele… ». Je doute que les trois juges en question aient manifesté le désir de promouvoir la laïcité ! Le contexte aurait pourtant exigé « laïcs » dans le sens de « non clercs ».
- La deuxième remarque est plus sérieuse. « Laïque et chrétien » est-il écrit. Il se trouve que j’appartiens à la communauté des catholiques. Ma « mise à distance » de l’institution catholique – je veux bien assumer cette appartenance, mais il y a des limites !(comme vous pourrez le constater…) ne m’autorise pas à effectuer publiquement le même type de critiques à propos des autres confessions chrétiennes (je ne les lave pas de tout soupçon pour autant, mais me garderai bien d’en parler).
- Troisième remarque. J’ai demandé, quand on m’a proposé le sujet, à ce que le mot « laïque » soit cité avant« chrétien ». Pourquoi ? Pour être fidèle à une conviction profonde : je suis citoyenne avant d’être chrétienne. Pour m’en expliquer je vais préciser quelques unes de mes appartenances qui font penser à l’emboîtement des poupées russes – et montrer du même coup que je ne suis pas « un oiseau rare ». Appartenance n°1 : je suis actuellement la présidente de l’association nationale C.E.D.E.C., sigle signifiant Chrétiens pour une Église Dégagée de l’école Confessionnelle (ce qui, en termes clairs, signifie que nous n’avons de cesse – sans grand succès il faut le reconnaître – de rappeler à l’Église catholique que son soutien à une école confessionnelle est une compromission à la fois religieuse et sociétale.) Des feuillets de présentation de nos convictions sont à votre disposition. Appartenance n° 2 : le C.E.D.E.C. fait partie de l’association N.S.A.E. (Nous Sommes Aussi l’Église) et de la Fédération des Réseaux du Parvis, nos deux associations ayant été parmi les membres fondateurs de cette Fédération qui en regroupe plus de 4O (où on retrouve ce qu’on pourrait appeler des chrétiens réformateurs, ou encore « chrétiens autrement »). Vous savez tous ce que signifie le mot parvis. Mais, après tout, à Tours, où je réside, comme dans bien des villes de siège épiscopal, c’est sur le parvis de la cathédrale qu’est allumé le cierge pascal ! Appartenance n° 3 : à la suite d’un colloque organisé en 2003 sur le thème « L’Europe en quête de laïcité » le C.E.D.E.C. a fait partie de la douzaine d’associations de cette fédération qui ont constitué l’O.C.L., à savoir l’Observatoire Chrétien de la Laïcité. Sans doute avez-vous pu lire l’une ou l’autre de nos prises de position sur le site de « Laïcité Aujourd’hui », ce qui témoigne d’un regard concordant sur bien des aspects du vécu de la laïcité. Or, cet observatoire se fixa comme tâche première la rédaction d’un Manifeste. J’y lis un passage qui vient à propos dans ce débat : « Nous sommes aussi attachés à la laïcité parce qu’elle nous permet d’approfondir notre propre foi . Elle nous aide en effet à prendre conscience de façon plus évidente que nous appartenons à la communauté humaine avant d’être des croyants. Ce n’est pas dévaloriser la foi religieuse que d’affirmer qu’aucune Révélation ne doit prétendre avoir la primauté sur la loi commune, elle-même fondée sur les Droits de l’Homme » ; Je confirme : je suis citoyenne avant d’être chrétienne.
Cet avant-propos peut paraître « longuet », mais j’accorde beaucoup d’importance à la précision du langage. On vient de me prêter le livre de Jean-Louis Servan-Schreiber : Aimer (quand même) le XXIe siècle. L’auteur rappelle cette phrase de Mark Twain : « La différence entre le mot juste et le mot presque juste est la même qu’entre l’éclair et le ver luisant ».
Au-delà des mots, il me semble que la réflexion sur un thème aussi large que la compatibilité entre laïcité et croyance religieuse ne peut être pertinente que si elle s’appuie sur le socle de convictions étayées par le vécu. Le terme de conviction n’est pas anodin. Nicolas de Chamfort, cet intellectuel du XVIIIe siècle, écrivait : « La conviction est la conscience de l’esprit. ». Nos convictions, celles que nous n’avons pas trop envie de relativiser au nom de la tolérance ou de tout autre dissolvant peuvent être d’ordre politique, philosophique, religieux, esthétique… Mais nous ne pouvons être sur tous les fronts à la fois et, sans tomber dans le déterminisme, je crois que c’est la vie, et la réflexion qu’elle suscite quand on essaie de lire entre les lignes du vécu qui nous conduit à mettre l’accent, à nous impliquer pour valoriser telle ou telle cause qui nous paraît essentielle, mais qu’on sait mésestimée, voire menacée.
Une expérience forte me précipita dans la prise de conscience du bien-fondé de la défense de la laïcité : mes dix premières années d’enseignement en Vendée. Je dus apprendre à tenir tête aux prêtres vantant les mérites de l’école privée catholique alors qu’il fallait subir les méfaits de la concurrence scolaire. Ce terme de concurrence semble aujourd’hui malséant alors que « parité » connaît un franc succès. Ayant gardé quelques contacts avec ce département, berceau de ma famille maternelle et lieu d’accueil des colloques organisés tous les deux ans par le C.E.D.E.C. sur le thème de la laïcité j’ai eu l’idée de téléphoner à la Fédération des Œuvres laïques à La Roche-sur-Yon pour connaître les chiffres récents permettant de savoir à quoi correspond l’emploi du mot concurrence aujourd’hui. N’étant pas sociologue, je me suis contentée de chiffres concernant l’enseignement primaire. Pour l’ensemble du département on compte cette année 18, je dis bien 18, enfants de plus dans l’enseignement privé ; voilà qui met dans l’ambiance. Plus sérieusement, je me suis mise au travail à partir de trois cartes qui m’ont été adressées pour connaître le nombre de communes se trouvant sans école publique mais avec école privée confessionnelle, toutes situées en zone rurale bien entendu et sans prendre en compte les communes sans école. Résultat : la Vendée compte 282 communes dont 61 n’ont pas d’école publique… mais une école confessionnelle. Sans diplôme de sociologie, j’en conclus que, si on exclut les communes urbaines, une famille habitant en zone rurale sur quatre est obligée d’en passer par le « caractère propre » des écoles catholiques de ce département, quelles que soient ses options philosophiques ou religieuses. Autre exemple pour rendre hommage à la ténacité des Vendéens qui souhaitent que les enfants soient « avec tous » au sein de l’école publique, l’exemple d’Aizenay où sont enterrés quelques uns de mes ancêtres :8000 habitants, commune située à 15 km de la Roche-sur-Yon. Il a fallu se battre 20 ans pour obtenir l’ouverture du collège public, M. de Villiers, alors à la tête du conseil général de Vendée, faisant la « sourde oreille ».
C’est donc en Vendée que j’ai appris à me situer clairement du côté de ceux qui faisaient confiance à l’école publique, certes, mais aussi du côté de ceux qui se battent pour le respect de la loi, en l’occurrence celle du 30 octobre 1886 qui stipule : « toute commune doit être pourvue au moins d’une école primaire publique. Toutefois, le Conseil départemental peut sous réserve de l’approbation du ministre, autoriser une commune à se réunir à une ou plusieurs communes voisines pour l’établissement et l’entretien d’une école ». Quand on voit sur une carte que 10 communes qui se touchent n’ont pas d’école publique, on peut douter que la loi soit appliquée. IL est vrai que financièrement plus d’un maire a intérêt à passer sous silence cette loi de 1886. Dans l’introduction de leur livre La République contre son École Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi parlent « d’omerta sur le dualisme scolaire ».
Ce qui est en cause, c’est quand même la liberté de conscience…qui n’est pas si évidente que cela. Qu’un être humain émette une pensée, fruit de sa raison, ou rende compte de son expérience spirituelle (loin de moi l’idée d’opposer foi et raison qui ne sont pas du même ordre), il ne fait que traduire ce qu’il est. Henri Pena-Ruiz rappelle dans le Vade-Mecum de son recueil de textes que « la conscience humaine, selon les philosophes stoïciens, est une citadelle imprenable, inaccessible à toute pression extérieure…L’idée de liberté de conscience ne fait qu’exprimer finalement la réalité fondamentale de la conscience, lorsqu’elle est elle-même. ». Pour mesurer la portée de la référence première à la liberté de conscience je lis à nouveau dans le livre La République contre son École évoqué précédemment : « Le climat de la liberté de conscience garantit et précède en droit le libre exercice des cultes, permet ainsi aux agnostiques et athées de prétendre aux mêmes droits que les croyants qui peuvent aussi changer de religion ou ne plus croire. ». Qui, parmi nous, oserait contester ce principe de respect de l’être humain ? Démonstration magistrale de ce qu’est une valeur universelle.
Je vois mal comment un croyant, quelle que soit son appartenance religieuse, peut vivre sa foi en communauté sans la mise en pratique, assuré par le pouvoir politique, de la liberté de conscience. Prêchant pour ma paroisse, je suis sûre que bien des chrétiens syriens seraient heureux de voir appliquer la loi française concernant la séparation des Églises et de l’État du 11 décembre 1905.
Pour en revenir à l’exemple des parents vendéens qui n’ont guère la possibilité d’échapper au « caractère propre » de l’école où vont leurs enfants, comment peuvent-ils refuser ce qui est pudiquement appelé une « proposition de la foi » ? Ces enfants n’iront pas au temps d’éducation religieuse, d’accord, mais l’approche des sciences de la vie – simple exemple – risque de poser quelques problèmes si l’enseignant a du mal à s’extraire de ses sympathies pour le créationnisme (ce n’est pas très fréquent, mais cela existe). Honnêtement, je ne crois pas que les représentants de l’enseignement catholique, quand fut mis au point le texte de la loi Debré, aient eu simplement en tête la possibilité d’assurer dans les locaux scolaires une proposition de catéchèse (avec dispense éventuelle) en faisant introduire l’expression « caractère propre ».
Pour qu’un être humain puisse exercer son autonomie intellectuelle et morale il doit apprendre à repérer ce qui est vrai, ce qui est vraisemblable etc… Je n’ai pas fait l’économie de ma raison dans ce qu’il est convenu d’appeler ma « vie de foi ». Cette raison m’a aidée à faire les distinctions nécessaires . Sans appartenir au corps des théologiens on peut quand même s’informer des travaux en herméneutique. Si, dans le domaine scientifique, ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être pas demain, il n’est pas interdit d’étendre ce principe à d’autres champs, en particulier en histoire . Qu’était-il possible de penser à telle époque étant donné le contexte culturel, les rapports de force entre les pouvoirs temporels et spirituels par exemple ? La pratique de la laïcité qui vous entraîne, au sens sportif du terme, à faire la distinction entre la sphère publique, à savoir ce qui est commun à tous (donc à la nation) où il faut se préoccuper de l’intérêt général et la sphère privée (qui ne concerne que certains hommes) est précieuse. Cette « gymnastique » m’est aussi utile dans ma réflexion de citoyenne où est impliquée une revendication de « laïcité ». Ainsi, dans le débat qu’il y eut à propos de la burqua, ce n’est pas parce que certains musulmans, très minoritaires d’ailleurs, ont parlé d’une revendication à caractère religieux que cela est vrai!
Sans aucun jeu de mots je dirai : la pratique de la laïcité assainit la vie de foi quand elle habitue à effectuer les distinctions nécessaires, le repérage des plans, l’écoute des autres…Certes, ces exigences ne sont pas spécifiques à un type de pensée, mais elles sont précieuses. Ce travail, je voudrais l’illustrer par deux extraits de réflexions trouvées sur le site « Libre pensée chrétienne », journal en ligne et animé par des Belges je crois.
Le premier texte est signé Michel Fortun et a été écrit en juillet 2012. L’auteur s’interroge sur la distinction entre foi et croyance. Il écrit : « Tous ces dogmes et doctrines que les responsables religieux m’ont enseigné et auxquels j’adhérais, tout cela était-il la foi ? Il y avait là pour moi une question fondamentale… La croyance, ce ne pouvait être que de l’ordre du raisonnement, de la réflexion, j’adhère à ceci et pas à cela. Nos croyances engagent notre appartenance à une terre, à une culture, aux diktats d’une communauté religieuse qui, au cours des siècles, a érigé par la seule réflexion, un corps de doctrines qui n’a cessé de se construire et d’évoluer… La foi est de l’ordre de l’intimement « éprouvé ». Il s’agit de vibrer à une dimension qui en nous, nous dépasse. Si bien que j’ai pris conscience que j’avais, comme à peu près tout le monde, un « vêtement religieux », toutes ces croyances que j’avais reçues de mes traditions. C’était un « vêtement » confectionné par des hommes, donc qui était tout à fait relatif. J’aurais pu en avoir un autre si j’étais né ailleurs,dans un autre contexte culturel…Il y a comme un terreau géographique et culturel d’où surgit telle ou telle croyance. ». La deuxième citation est de Frédéric Lenoir, directeur du magazine Le Monde des religions, bimestriel édité par Malesherbes Publications, filiale du groupe La Vie-Le Monde. Il écrit : La spiritualité d’un être, adhérent d’un ensemble de croyances ou pas, « libère l’individu de tout ce qui l’attache et l’enferme dans des vues erronées (ignorance, à-priori, préjugés etc…) mais aussi du groupe. Elle le libère du poids de la tradition, du collectif, pour aller vers lui-même, vers sa vérité intérieure… Une spiritualité qui débouche sur l’indifférence ou sur le mépris des autres n’a rien d’authentique. »
Je reviens au cœur de ma conviction laïque pour évoquer les liens entre laïcité et liberté d’expression, véritable pierre d’achoppement dans les débats en cours dans la société française.
La laïcité, libérée de tous ces adjectifs ou compléments du nom dont on l’affuble dans certains milieux, n’est rien d’autre qu’un dispositif juridique assurant la séparation des Églises et de l’État, l’objectif étant de supprimer l’emprise que pourraient avoir les Églises sur l’État et réciproquement. Un petit exemple d’expression utilisée par ceux qui effectuent un détournement sémantique pour alléger de ses obligations laïques l’une ou l’autre institution, cette expression assez cocasse se trouve dans la bouche du maire de Bussy-Saint-Georges en Seine-et-Marne. En juin 2012, pour justifier la construction d’un quartier multicultuel, il parle de « laïcité inspirée »…
Pour évoquer la laïcité facilitant la liberté d’expression, dans le droit fil de la liberté d’adhésion, voici ce qu’écrivait Jacques Haab, membre du bureau du C.E.D.E.C., au cours du débat que les membres de l’O.C.L. ont eu pour l’élaboration d’un communiqué adressé aux membres de la commission travaillant actuellement sur l’enseignement de la morale laïque : « La laïcité est la clef qui ouvre les libertés d’expression et les protège contre les abus de pouvoir, contre l’autoritarisme des personnes et surtout des groupes de conviction absolue : elle les tient à distance. La morale laïque, elle, émane de la République, celle-ci s’efforce, avec la modestie nécessaire, de promouvoir des valeurs qu’elle juge, démocratiquement, universelles. Elle n’est pas inspirée par une conviction particulière trop sûre d’avoir raison. ». Mais que la liberté d’expression ne se transforme surtout pas en lobby ! Que l’Église de France, par la voix du cardinal Vingt-Trois, juge opportun d’utiliser les messes célébrées le 15 août pour faire comprendre qu’elle était opposée au mariage gay ne fut sans doute pas du goût de certains fidèles dont je me sens proche (certains prêtres ont quand même eu la bonne idée de signaler que le texte, qu’ils n’ont pas lu publiquement, se trouvait sur un présentoir à l’entrée de l’église…), mais ce n’était là que sa liberté d’expression d’institution ecclésiale. Que le cardinal Barbarin amalgame le mariage gay à une possibilité de dérapage vers l’inceste ou la polygamie montre que des autorités religieuses ont beaucoup à perdre en crédibilité… Mais la laïcité ne sort pas indemne du débat. L’Observatoire Chrétien de la Laïcité a adressé à la presse – sans grand écho d’ailleurs – un communiqué où il est écrit :
par les propos qu’il a tenus devant les Parlementaires qui ont assisté à la messe traditionnelle de rentrée, le cardinal Vingt-Trois ne fait rien d’autre, au nom des évêques de France, qu’exercer un lobbying au sens propre du terme, puisqu’il s’agit de pressions sur des hommes politiques pour s’opposer à un projet de loi » et, trois paragraphes plus loin : « Les évêques ont vite fait d’oublier ce que furent historiquement et encore récemment les errements multiples, sociologiques, éthiques, humains en général d’une hiérarchie catholique qui prétend aujourd’hui être maîtresse de vérité dans des domaines anthropologiques discutés et en voie d’évolution, quand ses positions furent historiquement très mouvantes et se révélèrent souvent erronées, voire gravement fautives. Rappelons-nous la désastreuse position de Paul VI sur la contraception ou les propos de Benoît XVI en mars 2009 : « on ne peut pas résoudre le problème du sida avec la distribution de préservatifs. Au contraire, cela augmente le problème. ». Il est donc inacceptable que la hiérarchie catholique défende comme universelles les convictions d’un collectif de dignitaires dénonçant, y compris au sein de l’Eglise, et à fortiori au sein du pays, tous ceux qui ne pensent pas comme eux. »
Vous voyez que le « droit d’inventaire », avec la liberté de parole, voire l’honnêteté intellectuelle que cela suppose peuvent s’exercer. Deux autres exemples pour signaler que des chrétiens catholiques, plus proches que nous de l’Institution sont en mesure de prendre des positions « non-alignées », expression peut-être osée, je vous l’accorde. Dans son livre Inscription chrétienne dans une société sécularisée paru en 2009 aux éditions Parole et Silence, Guy Coq, connu pour la qualité de sa contribution intellectuelle et son insertion dans l’Eglise catholique, qualifie les propos de Benoît XVI cités précédemment de « phrase ravageuse et insupportable, accablante, monument d’obscurantisme ». Il ajoute à propos de la remarque « au contraire, cela aggrave le problème » ceci : « Là, on est au niveau des faits, des éléments constatables. Et toute appréciation globale sur l’usage du préservatif suspendue, qu’on soit pour ou contre, la question de l’efficacité qui en résulte n’est pas de l’ordre d’un jugement moral, mais de l’ordre des faits vérifiables, vérifiés ou non. Or, que le recours au préservatif ait non pas aggravé la pandémie, mais au contraire qu’il l’ait réduite est un fait largement vérifié ». Il signale ensuite une lettre ouverte à Benoît XVI de plusieurs chercheurs et scientifiques. A la page suivante, il termine l’évocation de cet « épisode » déplorable par une conclusion qui est un jugement sans appel : « il exclut donc le préservatif de toute démarche efficace de prévention. Ce qui est une attitude irrationnelle, obscurantiste, de refus d’une réalité mondialement reconnue. »
Cette liberté de parole qui s’affranchit de la bienséance, qui témoigne d’une autonomie de jugement…est tout à fait conforme à l’aboutissement d’une éducation laïque qui cherche à rendre l’individu capable de juger par lui-même. Personnellement, je retrouve le même état d’esprit dans plusieurs textes du Nouveau Testament. On est loin du poids supposé de l’obéissance.
Même des évêques peuvent avoir, sur le coup de l’émotion, une parole publique libre (pour ne pas dire libérée). J’ai retrouvé une lettre ouverte adressée en mars 2009 par Mgr Daucourt à l’archevêque de Recife au Brésil qui avait trouvé le moyen d’excommunier une mère de famille qui avait fait avorter sa fillette de neuf ans, enceinte de quatre mois après avoir été violée par son beau-père. Dans la même charrette – si j’ose dire – étaient placés les médecins ayant pratiqué l’avortement. Je relève ce passage : « La mère de la fillette a peut-être pensé qu’il valait mieux sauver une vie que de risquer d’en perdre trois… peut-être les médecins lui avaient-ils dit qu’un petit utérus de 9 ans ne se dilate pas indéfiniment… Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que dans cette tragédie, vous avez ajouté de la douleur à la douleur ». Quelques paragraphes plus loin il ajoute : « je ne vous cache pas non plus que je me demande aussi comment on peut dire que le viol est moins grave que l’avortement. ». Le même homme a, ce mois-ci, déclaré lors d’une interview à France-Inter que ce que je qualifiais de dérapages du cardinal Barbarin à propos du mariage gay constituait « un raccourci inadmissible ». Malheureusement, il continue à justifier le refus du mariage gay par la référence au texte biblique de la Genèse ! Il ne faut pas trop lui en demander !
Pourquoi ces exemples ? Parce qu’il me semble honnête de remarquer que les positions, les propos, les conceptions de l’Eglise varient en fait chez ceux qu’on ne saurait taxer de « dissidents ». Combien sont actuellement les évêques proches des traditionalistes ? (Pour rejoindre notre sujet, je parle de ceux qui mettraient dans la même besace laïque, laïcité, laïcisme, voire « laïcard ») Sans doute une dizaine, et hélas le nombre ne semble pas diminuer.
Pour défendre mes deux convictions que j’essaie de faire coexister (l’importance de la laïcité et l’importance du message évangélique) je fais porter mes efforts sur deux axes : l’information et la résistance.
Importance d’une information objective dont la quête n’est pas si aisée. Ayant lu, un peu par hasard, la correspondance inédite de Condorcet et Madame Suhard, j’ai repéré cette phrase écrite par Condorcet en 1780 : « Il est sûr qu’en ne lisant rien, n’examinant rien, ne s’informant de rien, on a le bonheur de voir tout en beau dans certaines circonstances, car cette méthode fait aussi voir tout en mal dans d’autres. Je me souviens de vos craintes de 1771 sur les progrès du despotisme, et vous pouvez vous souvenir qu’alors j’étais bien tranquille. » Genèse de l’esprit des Lumières. Honnêteté d’un homme qui change d’opinion… car il s’est informé.
Quant à l’esprit de résistance, lui aussi se cultive. Ainsi, j’essaie de connaître les travaux d’herméneutique de théologiens qui savent que les textes qu’on croit intangibles sont souvent le fruit d’une situation culturelle, sociologique, politique, économique donnée. Qu’était-on en mesure de dire à telle époque ? Ce travail historico-critique n’est pas toujours accessible, la compréhension étant freinée par les précautions oratoires…mais j’essaie de trouver des relais crédibles. Je profite aussi des trouvailles et des convictions de ceux avec qui je travaille. Trois exemples :
- Dans le travail que Jean Riedinger nous a offert lors du dernier colloque organisé par le C.E.D.E.C. sur le thème : Laïcité et citoyenneté, une chance pour les religions, il cite les propos de l’abbé Lemire qui essaie, en 1907, de calmer le jeu, de calmer surtout ceux qui, dans l’Eglise catholique, voyaient en la loi de séparation un risque de « dissoudre le catholicisme » pour reprendre son expression. Rappel culturel indispensable pour qui s’intéresse aux rapports entre l’Etat et l’Eglise.
- Un article d’Henri Pena-Ruiz. Il rappelle que dans l’article premier de la loi de séparation le mot essentiel dans l’expression « libre exercice des cultes » est libre. Certes, je savais que cet adjectif signifie ici : sans obstruction, mais la formule « mot essentiel » me fait assimiler un argument « massue » à utiliser auprès de ceux qui, consciemment ou pas, l’oublient et voudraient nous faire croire que l’Etat s’est engagé à assurer l’exercice des cultes…et doit donc mettre la main à la poche pour la construction de mosquées par exemple (je supporte de moins en moins l’expression accommodements raisonnables) A ma connaissance, les représentants du culte musulman ne le demandent d’ailleurs pas.
- La pensée d’un ami, prêtre et médecin, Michel Deheunynck. Lors d’une rencontre sur le thème « nos résistances », il présentait l’Evangile en concluant : C’est un message décentralisant, de sortie des sanctuaires, d’ouverture sur des chemins de laïcité ». Dans le dernier numéro de la revue Les réseaux des Parvis il précise sa pensée, présentant l’évangile comme un message de « libération laïque » puisqu’elle s’opère « au cœur même de la vie, de ses défis, de ses conflits, à distance des dispositifs religieusement institués et parfois en contradiction avec eux ».
Laïque et chrétien : si j’inverse maintenant les deux termes, je prétends qu’il ne s’agit pas d’une possibilité, mais d’une nécessité (selon ma conception du christianisme bien sûr).
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Le droit local alsacien et mosellan attaquable pour inconstitutionnalité ?
par ReSPUBLICA
Au détour de l’invalidation d’une disposition du code local du commerce qui oblige l’inscription à une corporation comme dans l’Ancien régime, la décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2012 nous en apprend de belles : 40 % du droit local alsacien et mosellan local, écrit en allemand (gothique…), n’est pas traduit officiellement en français depuis près d’un siècle, alors même que la loi de 1924 y obligeait l’Etat !
Si, comme le veut la Constitution « la langue de la République est le français », 40 % de ce droit pourrait devenir caduc. Drôle, non ? Suivez mon regard pour éliminer le délit de blasphème dans le droit local alsacien et mosellan !
Pour des explications précises, lire l’article de notre confrère Rue 89 : http://www.rue89strasbourg.com/index.php/2012/12/10/societe/tout-le-droit-local-dalsace-moselle-dorigine-allemande-est-contestable/.
A quand un gouvernement de gauche qui - au lieu d’annoncer hâtivement une constitutionnalisation du Concordat de 1801 - ose se pencher sur les particularités de l’Alsace-Moselle ?